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REVUE DES DEUX MONDES.

Mme de Marsan avait écouté son mari avec un étonnement toujours croissant. Elle resta comme une statue ; elle vit qu’il était décidé, et elle n’y pouvait croire ; elle se jeta à son cou presque involontairement ; elle s’écria que rien au monde ne la ferait consentir à cette séparation. À tout ce qu’elle disait il n’opposait que le silence. Emmeline éclata en sanglots ; elle se mit à genoux et voulut confesser sa faute ; il l’arrêta, et refusa de l’entendre. Il s’efforça de l’apaiser, lui répéta qu’il n’avait contre elle aucun ressentiment ; puis il sortit malgré ses prières.

Le lendemain, ils ne se virent pas ; lorsque Emmeline demanda si le comte était chez lui, on lui répondit qu’il était parti de grand matin, et qu’il ne rentrerait pas de la journée. Elle voulut l’attendre, et s’enferma à six heures du soir dans l’appartement de M. de Marsan ; mais le courage lui manqua, et elle fut obligée de retourner chez elle.

Le jour suivant au déjeuner, le comte descendit en habit de cheval. Les domestiques commençaient à faire ses paquets, et le corridor était plein de hardes en désordre. Emmeline s’approcha de son mari en le voyant entrer, et il la baisa sur le front ; ils s’assirent en silence ; on déjeunait dans la chambre à coucher de la comtesse. En face d’elle était sa psyché ; elle croyait y voir son fantôme. Ses cheveux en désordre, son visage abattu, semblaient lui reprocher sa faute. Elle demanda au comte d’une voix mal assurée s’il comptait toujours quitter l’hôtel. Il répondit qu’il s’y disposait et que son départ était fixé pour le lundi suivant.

— N’y a-t-il aucun moyen de retarder ce départ ? demanda-t-elle d’un ton suppliant.

– Ce qui est ne peut se changer, répliqua le comte ; avez-vous réfléchi à ce que vous comptez faire ?

– Que voulez-vous que je fasse ? » dit-elle.

M. de Marsan ne répondit pas.

— Que voulez-vous ? répéta-t-elle ; quel moyen puis-je avoir de vous fléchir ? quelle expiation, quel sacrifice puis-je vous offrir que vous consentiez à accepter ?

– C’est à vous de le savoir, dit le comte. Il se leva et s’en fut sans en dire plus ; mais le soir même il revint chez sa femme, et son visage était moins sévère.

Ces deux jours avaient tellement fatigué Emmeline, qu’elle était d’une pâleur effrayante. M. de Marsan ne put, en le remarquant, se défendre d’un mouvement de compassion.

— Eh bien ! ma chère, dit-il, qu’avez-vous ?