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d’une concession semblable, faite autrefois, dans le nord de la Russie, à l’aïeul de M. de Demidoff. L’espoir d’être utile à son pays l’a décidé, plus que des considérations de fortune, à se rendre lui-même, quoique malade, à Kertsch, et à commencer sur une immense échelle l’exploitation des terrains qui s’y trouvent. Les machines nécessaires ont été embarquées au Havre, il y a deux mois ; M. de Demidoff les a suivies de près, et dans deux ans, la Russie aura sans doute des fonderies et des arsenaux à peu de distance de Constantinople. Je cite ce fait pour montrer qu’il ne faut pas tout-à-fait se fier aux garanties de paix que donne le développement commercial de la Russie.

Ce fait est significatif sans doute, mais il n’est pas alarmant. Il veut dire que la Russie se met en mesure de répondre à une agression contre sa nouvelle marine et son nouveau commerce, et non pas qu’elle veuille oublier toutes les idées de prudence que lui commandent, comme je crois l’avoir démontré, sa situation actuelle, ses premiers pas vers la prospérité commerciale et le crédit public. Il semble même que tout concoure à retenir le gouvernement russe dans ce cercle, et à diriger les combinaisons de sa politique ailleurs que vers des agrandissemens illimités. En Pologne même, dans ce foyer de troubles qui semblait devoir mettre la Russie aux prises avec l’Angleterre et la France ; en Pologne, il se prépare un ordre de choses tout nouveau. Depuis la dernière révolution de Pologne, le pays était gouverné par la gendarmerie ; la terreur partout. Aujourd’hui les arrestations sont devenues moins fréquentes, on gouverne le plus légalement possible. Si ces dispositions continuent, elles ne tarderont pas, grâce au bel établissement fondé par le prince Lubetzki, à Varsovie, à donner un nouvel aspect à ce malheureux pays. Je parle de la banque de Pologne.

Napoléon avait rendu la liberté aux paysans polonais. C’est dans cet état que les trouvèrent ceux des propriétaires nobles polonais à qui il fut permis de rester en Pologne après l’insurrection de 1831, mais à la condition de résider dans leurs terres. L’agriculture est aujourd’hui leur principale, on peut dire leur unique occupation ; mais la main-d’œuvre qu’il faut payer, et payer assez cher, les a obligés à chercher un moyen de diminuer ces frais, et d’exploiter leurs terres au meilleur marché possible. C’est dans ces vues que le prince Lubetzki a fondé, avec l’assentiment du gouvernement russe, la banque de Pologne. La banque vient au secours de tous les propriétaires qui veulent améliorer leurs terres. Elle leur prête des capitaux pour douze ans, à un intérêt d’un demi pour