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« Lorsqu’ils naviguaient de conserve avec notre flotte dans la Méditerranée, les officiers russes mirent tous leurs soins à étudier ce qui se faisait à bord de nos navires, et le parti qu’ils ont su tirer de leurs observations est vraiment étonnant.

« Les aménagemens des navires sont complètement à l’anglaise. De plus la vigilance personnelle de l’empereur a produit chez les officiers et les équipages un esprit de corps, un désir d’apprendre et de tout faire pour le mieux, qui en feraient bientôt des marins, s’ils pouvaient rester plus long-temps à la mer.

« Les matelots paraissent forts, actifs, hardis. Leurs officiers leur apprennent à être sobres, obéissans, pleins de bonne volonté ; et, quoi qu’on puisse reprocher à leurs bottes et à leur accoutrement militaire, quoiqu’ils soient forcés de passer neuf mois par an à terre, quoiqu’ils passent un an sur trois sans mettre le pied à la mer, ils font très convenablement leur besogne de matelots.

« La Lionne ne mettait pas plus de quinze minutes à changer sa grande voile de perroquet, et l’opération s’exécutait bien. Je n’ose pas dire que les autres navires en eussent fait autant, mais cet exemple suffit à prouver que peut-être ils le pourraient.

« Les bâtimens russes sont courts et un peu lourds, ce sont certainement de pesans voiliers, surtout les trois-ponts.

« Les vaisseaux de ligne sont armés chacun de quatre formidables canons, installés dans la batterie basse, et lancent, dans le sens de l’horizontalité, des bombes de quarante livres. On ne saurait calculer le ravage que causerait l’explosion d’un de ces projectiles dans l’intérieur d’un navire. Un vaisseau neuf de 84 est armé d’un grand canon de cette espèce qui lance des bombes du poids de cent vingt livres. Ce canon pèse, mesure anglaise, six tonneaux et cent quatre-vingt-douze livres. Il faut seize livres de poudre pour le charger, seize hommes pour le manœuvrer, et six minutes pour chaque coup. On dit que le bruit produit par l’explosion de cette machine est épouvantable.

« Il y a deux chantiers de construction à Saint-Pétersbourg et un à Okhta, en remontant un peu la Neva. Sur les cales de Saint-Pétersbourg, il y a un trois ponts et un 84. Le premier doit porter 130 canons, et sera lancé en 1838. À Okhta, on construit un 74 sur les plans donnés par le directeur Juman ; l’amirauté possède aussi des plans qui lui ont été fournis par presque tous nos plus habiles constructeurs, excepté toutefois l’inspecteur de la marine.

« La Russie a encore dans la mer Noire une escadre de dix-huit