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tersbourg pour faire un traité de commerce, s’est trouvé bientôt en si grande mésintelligence avec le ministre des finances, que celui-ci a jugé à propos d’appeler aux conférences M. de Liebermann, ministre de Prusse à Saint-Pétersbourg, et homme très conciliant. Mais M. de Liebermann lui-même ne tarda pas à s’engager dans des discussions si vives, qu’il fallut rompre les conférences. On ne sait ce qui en adviendra. L’ancien traité de commerce entre la Prusse et la Russie était du 27 février 1825, et fait pour neuf années. Il a été prolongé le 11 mars pour une année en 1834, puis pour une autre[1].

Il ne faut se rapporter au témoignage des Russes, ni lorsqu’ils se placent au-dessus de toutes les autres nations, ni lorsqu’ils rabaissent leur propre valeur, car, sous ces différentes manières de se présenter au jugement des autres, il y a toujours quelques vues politiques. Ainsi, à Saint-Pétersbourg, les mêmes hommes, des hommes éminens dont l’opinion a du poids dans ces matières, dénigrent, comme à regret, la valeur de la marine russe devant quelques étrangers, tandis qu’ils vantent à d’autres l’excellence et la solidité des constructions, les progrès rapides des manœuvres, la science des officiers et l’aptitude des matelots. Il n’est pas facile de pénétrer les intentions de ceux qui tiennent ainsi deux langages. La vérité est que la marine russe, telle qu’elle est, n’est pas encore redoutable, à moins qu’il ne s’agisse d’un débarquement et d’un coup de main ; qu’hivernant pendant huit mois dans l’enceinte des forts avancés de Cronstadt, que n’ayant pour champ de manœuvres habituel que deux mers fermées, deux lacs élevés à la dignité de mer, comme sont la mer Baltique et la mer Noire, ses progrès sont d’une extrême lenteur, et que la génération actuelle de ses matelots sera vieille et hors de service avant d’avoir acquis l’expérience d’un matelot anglais ou français de trente ans. Mais là doit s’arrêter le dédain que l’Angleterre et la France pourraient avoir pour l’exagération avec laquelle on vante la marine russe actuelle ; le matériel de cette marine est irréprochable, au dire des meilleurs marins étrangers ; il se perfectionne chaque jour, et en supposant qu’une alliance permît aux Russes d’emprunter à une nation maritime des officiers et des matelots pour diriger les siens, il s’ouvrirait pour elle de grandes chances de succès. Un officier de la marine anglaise, avec qui j’examinais une frégate russe sur le chantier, me disait que pour lui il la trouvait si bien construite, qu’il souhaitait de tout son cœur qu’une guerre maritime lui permît un jour de la capturer.

  1. Collection des lois prussiennes (en allemand), année 1825, pag. 934.