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DE LA RUSSIE.

franchis ne peuvent se remettre en esclavage chez un autre seigneur, et ont la faculté de racheter leurs femmes de la servitude, pour 10 roubles argent. Les serfs peuvent commercer, même dans les provinces les plus éloignées et hors de l’empire, pourvu qu’ils soient munis d’un passeport du seigneur. Ils ont le droit d’être maîtres de poste, quand le seigneur leur donne caution[1].

En général, la commune russe se gouverne elle-même, fait par ses propres délégués le dénombrement des serfs qui se trouvent sur le domaine du seigneur, se partage les terres pour trois ans, fixe d’accord avec le délégué du seigneur la redevance par tête, paie l’obrock en masse, répondant pour les retardataires, a sa caisse de réserve, et jouit, dans le cercle de sa résidence, de toute la liberté que comporte un tel état de choses. Il y a profondément à réfléchir, en considérant que le nombre de ces serfs équivaut aux six-septièmes de la population.

Vis-à-vis de ces petites républiques démocratiques qui couvrent la Russie, se trouvent, en moins grand nombre, des républiques aristocratiques qui se gouvernent aussi par l’élection. Tous les trois ans, la noblesse de chaque gouvernement a le droit de s’assembler, et s’assemble en effet, pour élire les fonctionnaires qu’elle a le privilége de nommer, et écouter les représentations et les réclamations du gouverneur nommé par la couronne. Celui-ci ne peut les faire connaître que par écrit, et il n’a d’aucune manière le droit d’assister à l’assemblée de la noblesse, ou de troubler ses délibérations, tandis que la noblesse est autorisée à faire en personne ses objections au gouverneur, à les adresser en même temps, par une voie directe, au ministre de l’intérieur, ou même à envoyer des députés au sénat ou à l’empereur[2]. Ces assemblées ont lieu dans un édifice qui leur est spécialement destiné dans chaque ville de gouvernement. La noblesse du gouvernement scelle ses actes d’un sceau à elle, et a ses archives où elle les dépose[3]. Ces assemblées sont présidées par le maréchal de la noblesse du gouvernement, choisi tous les trois ans par le gouverneur de la province, entre deux candidats, pris parmi les maréchaux de la noblesse du cercle, élus par les nobles[4]. La noblesse nomme les conseillers nobles des tribunaux, les juges et les

  1. Délibération du conseil de l’empire du 16 novembre 1810.
  2. Ordonnance de l’impératrice Catherine, 5 novembre 1778.
  3. Manifeste du 8 septembre 1802.
  4. Décision du sénat, confirmée par l’empereur le 5 mai 1801.