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DE LA RUSSIE.

parmi les gouvernemens. Ces idées le rapprochèrent de l’Europe, et lui donnèrent de l’influence sur elle, en même temps qu’elles remplacèrent en Russie, à Saint-Pétersbourg surtout, la tendance moqueuse et frivole de la civilisation du xviiie siècle, imprimée à la noblesse russe par les courtisans français de la grande Catherine. En outre l’empereur Alexandre était conciliant, il séduisait par un caractère aimable, il savait faire au besoin le sacrifice de ses prétentions les plus justes, sans rien perdre de sa dignité. Toutes ces qualités si sociables, si dignes d’un grand souverain, firent de lui la clé et le pivot de la sainte-alliance. Le gouvernement russe, appuyé, grâce à l’impératrice Catherine, sur un peuple docile, et grâce à Paul Ier sur une noblesse soumise, exerça alors une véritable prépondérance en Europe, à la faveur de la sécurité dont il jouissait intérieurement ; et cependant l’unité nationale du peuple russe, qui est sa seule force, s’éparpillait et se perdait de nouveau, quand l’empereur Nicolas monta sur le trône.

Il faut se reporter aux circonstances où se trouvaient l’Europe et la Russie quand le grand-duc Nicolas succéda à son frère l’empereur Alexandre.

La Grèce avait accompli sa révolution ; tout récemment encore elle venait de montrer qu’elle pouvait résister efficacement à la flotte turque qui existait encore ; mais le pays était divisé, et les yeux du nouveau souverain devaient se porter à la fois sur la Grèce et la Turquie, deux puissances qui semblaient, l’une naître et l’autre mourir, et sur les destinées desquelles il importait tant à la Russie d’exercer une influence. Lord Castlereagh avait été remplacé par M. Canning. Louis XVIII était mort un an auparavant, et les menaces prononcées en plein parlement par M. Canning, contre le gouvernement français, devaient rapprocher le ministère du cabinet russe et favoriser une alliance plus intime entre les deux puissances. D’un autre côté, dix années de paix avaient créé une grande prospérité en Europe. Les routes et les moyens de communication s’étaient étendus dans une proportion inouie. La navigation par la vapeur avait créé des rapports faciles entre les états les plus éloignés. L’application de la vapeur à l’industrie avait encore augmenté les rapports en étendant et en simplifiant les moyens de fabrication, en même temps que s’étendaient et se simplifiaient les moyens de communication. Un double coup d’œil, jeté sur l’Europe et sur son empire, détermina le plan de politique intérieure et extérieure de l’empereur Nicolas. Les premiers jours de son règne lui apprirent quel