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REVUE DES DEUX MONDES.

Les gouvernemens de l’Autriche, de la Prusse, des états du Rhin et de la Haute-Italie, songèrent aussitôt à se préserver des dangers qui les menaçaient. Un parti conservateur s’éleva avec vigueur, dans le parlement anglais, contre les principes que ces gouvernemens s’apprêtaient à combattre, et joignit ses efforts aux leurs, pour éteindre les différends de la Porte et de la Russie, et préparer, au sein d’une paix générale, les élémens d’une grande alliance pour la conservation du principe monarchique, qui périssait en France.

Catherine II s’associa franchement et énergiquement à cette pensée de résistance. Elle congédia l’envoyé du gouvernement constitutionnel français, envoya un ministre près des princes de la maison de Bourbon, émigrés, et leur fit tenir un subside de trois millions de roubles, par un banquier d’Amsterdam, M. Hope, dans un temps où nulle puissance, en Europe, n’osait attaquer ouvertement la révolution française et le gouvernement qui en était sorti[1].

L’année suivante, l’impératrice fit plus. Elle se joignit à l’Autriche qui avait déclaré la guerre à la France, et s’engagea à fournir vingt-cinq mille soldats russes, pour marcher sur le Rhin par la Silésie.

Après la mort de Louis XVI, l’impératrice rompit ses dernières relations ; elle annula le traité de commerce qui existait entre la France et la Russie, défendit aux Français de pénétrer dans son empire sans un passeport des princes émigrés, ordonna une levée de quarante mille hommes, et fit armer dix vaisseaux de ligne et plusieurs frégates, pour soutenir la flotte anglaise contre la France.

On sait comment le comte d’Artois fut reçu à Saint-Pétersbourg, quels subsides il y trouva, avec quelle générosité l’impératrice subvint aux dépenses de l’armée de Condé. À la fin de l’année 1795 eut lieu la conclusion du traité de la triple alliance entre l’Autriche, la Russie et l’Angleterre, où l’impératrice prenait des engagemens très onéreux, et elle s’apprêtait activement à les remplir, quand la mort l’arrêta.

Tout animée qu’elle était contre la révolution française, et quoique bien décidée à la combattre au prix de tous les sacrifices, l’impératrice Catherine ne fit cependant pas ce qu’elle eût voulu faire pour l’abattre. Quand elle envoya au comte Ostermann une dépêche de sa main, pour se plaindre au gouvernement espagnol de la paix qu’il avait conclue, à Bâle, avec la Convention nationale, l’Es-

  1. 1791. Renvoi de M. Genet, envoyé de France près de Catherine II. (Des services rendus par la Russie, etc. Leipsig, 1815.)