Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.
181
LES VOIX INTÉRIEURES.

religion qui, malheureusement, a trouvé des prosélytes ardens, et que je propose d’appeler autothéisme ; car, s’il faut en croire le témoignage des Voix intérieures, M. Hugo est depuis plusieurs années habitué à l’adoration de sa pensée. Il se contemple dans sa splendeur solitaire, et il est heureux de se contempler. Peut-être cette religion nouvelle, qui ne s’est jamais manifestée sous une forme si éclatante que dans les Voix intérieures, est-elle dès à présent une maladie incurable ; peut-être la franchise n’a-t-elle plus rien à espérer d’un poète qui voit des ennemis dans tous ses juges, qui accuse de haine et de trahison les conseils les plus sincères. Mais la vérité prise en elle-même offre assez d’intérêt pour que la critique ne tienne aucun compte de la joie ou de la colère de M. Hugo. Dût le poète chercher, dans les trois règnes de la nature, un sujet de comparaison placé bien au-dessous du champignon, la critique ne renoncera pas à proclamer en toute occasion ce qu’elle prend pour la vérité. S’il lui arrive de se tromper, et jamais elle ne s’est crue à l’abri de l’erreur, elle n’hésitera pas à revenir sur ses premières déclarations, à rétracter les craintes qu’elle avait exprimées ; mais en attendant que M. Hugo réfute les objections de la critique en réalisant les promesses de ses préfaces, en attendant qu’il se convertisse et désarme la discussion par l’harmonie et la pureté de ses ouvrages, la critique étudiera la popularité croissante des objections qu’elle a formulées, et cette étude la rendra indulgente pour la colère du poète. Déjà il lui est permis de s’applaudir de l’évidence acquise à plusieurs idées qui d’abord ont paru obscures. Bien des convictions qui se disaient inébranlables, et qui s’agenouillaient devant les œuvres dramatiques de M. Hugo, ont perdu peu à peu leur première ferveur ; les néophytes ont abandonné la prédication pour la discussion. De jour en jour, M. Hugo voit diminuer le nombre de ses disciples, et si ce mouvement de désertion continue, le poète sera bientôt forcé de chercher en lui-même l’unique auditeur des leçons qu’il se plaît à donner. Pour notre part, nous souhaitons que la solitude ne se fasse pas autour de lui ; nous souhaitons qu’il n’attiédisse pas, suivant une progression indéfinie, les sympathies qu’il avait d’abord conquises, et qui désespèrent de s’égaler jamais à son ambition. Mais s’il ne veut subir l’oubli, il faut qu’il se résigne à entendre la vérité.

Or, jusqu’ici, sinon dans ses préfaces, du moins dans ses œuvres, il paraît n’avoir compris qu’une partie de la poésie, et la partie dont il se préoccupe au moment de la création, n’est qu’une partie secon-