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confusion ; sa main toute-puissante a répandu partout la forme, l’ordre et la lumière. La multitude ingrate, au lieu de tomber à genoux et de le remercier par un cantique fervent, a osé discuter et juger l’œuvre d’Olympio ; dans son audace impie, elle a été jusqu’à mettre Olympio sur la même ligne que les autres hommes. Il est temps que les nations connaissent toute la profondeur de leur crime ; il est temps que les impies renversent leurs idoles et reviennent au vrai Dieu. Console-toi, dit à Olympio son ami fidèle, le seul qui lui soit resté, console-toi, car ils ne te comprennent pas. Et comment pourraient-ils pénétrer jusqu’au sanctuaire de ton intelligence ? Tout fruit contient une racine, toute racine un fruit. Nous transcrivons littéralement cette dernière phrase, et le lecteur nous en saura gré, car elle prouve que M. Hugo a pour la botanique le même dédain que pour ses contemporains. Après avoir soumis les étoiles au caprice des vents, il supprime la tige, le calice, la corolle des fleurs, et il passe brusquement de la racine au fruit ; ce parfait oubli, ou cette parfaite ignorance de tous les élémens de la science humaine, doit nous rendre indulgens pour la colère de M. Hugo. Puisqu’il ne daigne pas savoir ce que Newton et Linnée ont enseigné aux générations studieuses, faut-il s’étonner qu’il traite avec tant de superbe les lecteurs indociles qui sont loin de se prendre pour des Newton et des Linnée ? Cependant il est probable que la phrase que nous avons soulignée, bien qu’absurde en elle-même, signifie dans la pensée de l’auteur, que sa vie et ses œuvres ne peuvent être jugées par ses contemporains, parce que sa vie et ses œuvres seront toujours pour nous un poème incomplet, une plante incomplète. Quand nous tenons la racine, le fruit nous manque, quand nous tenons le fruit, nous n’avons pas la racine. Il est vrai que la racine ne joue pas un rôle important parmi les caractères distinctifs qui servent à classer les plantes ; mais qu’importe ? nous sommes encore trop heureux de deviner l’intention de M. Hugo. En nous penchant sur l’abîme de sa pensée, en sondant du regard l’incommensurable profondeur des flots où se débat son génie, nous apercevrions, c’est lui-même qui nous l’assure, un ciel resplendissant, peuplé d’étoiles sans nombre. L’ami d’Olympio ne nous dit pas si les étoiles de ce ciel inconnu sont régies par les lois que M. Hugo a fondées sur les ruines de la science astronomique. Toutefois, c’est une consolation pour nous de savoir que M. Hugo pourra, dès qu’il le voudra, nous montrer un peuple d’étoiles ignoré de MM. Herschell et Savary. À ce prix, nous consentons à oublier le dédain qu’il professe pour ses juges ; et cet