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vaux taillés dans la pierre, sont d’une telle difformité, que nos derniers neveux ne pourront réussir à les admirer ; ou s’ils éprouvaient un pareil sentiment, c’est que la notion de la beauté serait à jamais perdue. L’auteur, se transportant par la pensée à plusieurs siècles dans l’avenir, au moment où Paris ne sera plus qu’un monceau de ruines, suppose qu’il ne restera plus debout que l’arc de l’Étoile, la colonne de la place Vendôme, et les deux tours de Notre-Dame ; et pour peindre l’impression produite par ces débris imposans, il nous parle d’un berger accroupi dans les seigles de la plaine. Ou le mot accroupi a changé de sens, ou il est impossible de comprendre qu’un berger s’accroupisse pour contempler les ruines. Il est probable que M. Hugo n’a donné au berger une attitude si singulière que pour obéir à la rime. Il avait appelé sur l’arc de l’Étoile une nuée d’aigles, aigle rime avec seigle, et comme accroupi renferme une syllabe de plus que debout, la même raison qui avait appelé le seigle auprès des aigles, a fléchi les membres du berger. Je ne demande pas à M. Hugo d’après quelle autorité il appelle les aigles dans la plaine de Paris, ni s’il compte sur un soulèvement pour convertir la plaine en montagnes, car il lui est permis d’ignorer les mœurs des oiseaux de proie ; mais je ne puis lui pardonner son berger accroupi. Je comprends bien qu’il parle de la révolte de la cariatide contre l’archivolte, car la rime est assez riche pour le séduire ; mais je ne sais pas où il a vu les cariatides de l’arc de l’Étoile, où le marbre, où les chapiteaux et les fûts. M. Huyot avait l’intention d’enrichir les quatre faces de l’arc de colonnes de marbre, mais ces colonnes n’ont jamais existé que sur le papier ; et quelle que soit la liberté accordée à la poésie, il est au moins maladroit d’admettre parmi les ruines d’un monument des élémens imaginaires. Je ne m’explique pas non plus pourquoi M. Hugo parle du granit de Notre-Dame. Il y a en Bretagne et en Auvergne des églises de lave et de granit, mais personne, que je sache, n’a jamais aperçu le granit de Notre-Dame. Je ne devine pas non plus pourquoi M. Hugo nomme les deux tours de Notre-Dame, tours de Charlemagne ; car la cathédrale de Paris, telle que nous la voyons aujourd’hui, n’a été achevée que dans les premières années du xive siècle ; Maurice de Sully l’a commencée dans la seconde moitié du xiie, sans pouvoir tirer grand profit des travaux exécutés sur le même emplacement, pendant la domination des deux premières races, et nous savons par Alcuin que Charlemagne s’est fort peu occupé de Paris. L’illustre auteur des Capitulaires se reposait, après chacune de ses nombreuses expéditions, tantôt à Aix-la-Cha-