Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
LES VOIX INTÉRIEURES.

vérité. Or, pour la respecter, il est nécessaire de la connaître. La pièce sur Charles X, malgré le nombre des vers que le poète a consacrés au feu roi, exprime très obscurément l’idée qui aurait dû dominer la pièce entière, et respirer dans chaque ligne, je veux dire la reconnaissance. Quant à la conclusion, où le poète témoigne l’espérance de voir un jour rayer de nos lois la proscription des races royales, qu’il me soit permis d’affirmer qu’une pareille espérance ne sera jamais ratifiée par la politique la plus généreuse. Que Napoléon dorme sous la colonne, et que les cendres de Charles X descendent dans les caveaux de Saint-Denis, c’est une piété sans danger ; mais la raison ne conseillera jamais de garder en France les rejetons d’une race détrônée. Une pareille espérance n’est qu’un enfantillage, une déclamation de collége. Si M. Hugo désire obtenir la pairie pour développer de semblables motions, il fera très bien de renoncer à la législature.

En 1823, l’auteur avait écrit quelques strophes sur l’arc de triomphe de l’Étoile, strophes énigmatiques qui peuvent s’appliquer également à la promenade militaire du duc d’Angoulême en Espagne, ou à la mémoire des campagnes de Napoléon. La pièce du nouveau volume sur le même sujet n’a rien de politique. M. Hugo commence par exprimer l’émotion qu’il éprouve en présence de ce monument qu’il appelle immense ; nous ne partageons ni son émotion, ni son avis. L’arc est un monument monstrueux, mais ses proportions n’ont rien d’effrayant. Cent cinquante-deux pieds ne suffisent pas à frapper de terreur. Si MM. Chalgrin, Huyot et Blouet, fidèles au souvenir des arcs de Thésée, de Constantin et de Septime-Sévère, eussent établi des relations harmonieuses entre la hauteur et la largeur du monument, la ligne menée du sol à la clef de voûte n’étonnerait personne. M. Hugo dit que l’arc est superbe, quel est le sens de cette épithète. Méconnaîtrait-il la signification des mots au point de confondre l’orgueil et la beauté ? Notre question est d’autant plus facile à concevoir, qu’après avoir qualifié l’arc de superbe, il n’hésite pas à déclarer que le temps seul pourra donner à l’arc la beauté qui lui manque. Nous croyons, comme lui, que le temps ajoute beaucoup à la valeur des monumens ; mais le temps, qui combine si merveilleusement les élémens de la beauté, ne peut créer ces élémens eux-mêmes. Un monument sans valeur aucune à l’heure de son achèvement sera dans mille ans ce qu’il est aujourd’hui. La mousse et le lichen auront beau revêtir les sculptures de la frise, ces sculptures sont si parfaitement absurdes, les soldats et les che-