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retirées, après leurs incursions dans la Manche et les provinces limitrophes. Cependant il y aurait encore loin de là à Madrid, si l’armée du général Oraa, qui se trouvait à la même époque sur la droite et en tête des forces carlistes, dans les environs d’Alcaniz et de Teruel, agissait avec vigueur et décision, comme l’exigent les circonstances les plus critiques où se soit trouvée la cause de la reine depuis le commencement de la guerre civile.

Ce qu’il faudrait au gouvernement de la reine, avant même une bonne armée, pour terminer la guerre civile, ce serait de l’argent, parce qu’avec de l’argent il aurait une bonne armée, parce qu’il y maintiendrait constamment la discipline, parce qu’il aurait sur les chefs carlistes un puissant moyen d’action, parce qu’il n’enverrait pas sans cesse aux bandes qui désolent le royaume des renforts de déserteurs. Ce fut une illusion de compter sur des corps francs ou sur des milices mobilisées. De pareilles troupes n’ont réussi, et encore très imparfaitement, qu’en Catalogne. Partout ailleurs elles n’ont commis que des excès, ou se sont déshonorées par la plus odieuse lâcheté, mêlée aux plus ridicules fanfaronnades. Cela s’est vu dans l’Andalousie, à l’époque de l’expédition de Gomez, dans l’Estremadure, quand le général Rodil fit un appel au patriotisme de cette province, et tout récemment dans le royaume de Valence. Quand le général Oraa est arrivé à Valence, au mois d’avril, avec la mission de mettre promptement un terme aux incursions dévastatrices de Forcadell et de Cabrera, quoiqu’il eût peu de troupes à ses ordres pour accomplir cette tâche, son premier acte a dû être la dissolution de deux corps francs, dont les brigandages étaient devenus aussi affreux que ceux des bandes carlistes.

Il faut donc de l’argent. Mais où le trouver ? L’Espagne elle-même est épuisée, parce que rien ne s’y reproduit, que l’industrie est paralysée, que le commerce extérieur est mort, que les travaux de l’agriculture sont abandonnés sur quelques points, faute de bras, de capitaux, de sécurité, des premiers moyens d’exploitation. Il y a des provinces qui, écrasées de réquisitions en nature, ont payé d’avance plusieurs années de certains impôts, et qui, envahies par les factions, ne demandent pas qu’on les vienne défendre, pour n’avoir pas à nourrir à la fois leurs défenseurs et leurs ennemis. La vente des biens nationaux procure, de temps en temps, quelques ressources, et il est à remarquer que les prix d’adjudication sont bien supérieurs aux estimations primitives ; mais ce n’en est pas moins, dans son ensemble, une fort mauvaise opération. Les acheteurs obtiennent de