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REVUE ÉTRANGÈRE.

passer l’Èbre vers le milieu de son cours, et les généraux de la reine s’attachèrent d’abord à rendre impossible l’exécution de ce projet. Puis il s’éloigne du fleuve, prend la route de Catalogne, et semble se diriger sur le pays montagneux que les bandes catalanes ont choisi pour en faire le centre et l’appui de leurs opérations. On lui attribue alors le dessein de recruter son armée parmi elles, et de leur donner une meilleure organisation, comme l’avait essayé, l’année précédente, le général Maroto. Dans cette supposition, le danger se serait éloigné de Madrid, et le prétendant n’aurait fait que chercher une autre Navarre dans les montagnes de la Haute-Catalogne. Est-ce le manque de vivres et le peu d’accord des Catalans avec les Navarrais qui ont fait descendre don Carlos de Solsona sur Agramunt et puis sur le bas Èbre ? ou bien ne voulait-il que réchauffer l’insurrection par sa présence dans un pays qui lui est dévoué, et réaliser du côté de Tortose le passage de l’Èbre, qui aurait été le véritable but de l’expédition dès sa sortie de la Navarre ? C’est ce qu’on ne peut guère déterminer, à si peu de distance des évènemens ; mais nous inclinons à penser que le passage de l’Èbre au-dessous de Tortose a dû être effectivement le but de l’expédition, parce que le succès en était assez sûr, et que cette direction des opérations militaires présentait de fort grands avantages.

Deux fois on a rattaché avec beaucoup de vraisemblance les mouvemens de l’expédition navarraise à des préparatifs que la Sardaigne tolère ou encourage dans ses ports, pour lui procurer ce dont elle manque le plus, des armes et des munitions de guerre ; la première fois, quand elle a paru se diriger vers la côte de Catalogne, après son échec à Guisona ; la seconde, quand on l’a vue passer l’Èbre si près de son embouchure, et qu’on lui a supposé l’intention de descendre le long du littoral dans le pays de Valence. La première fois, c’était une erreur ; mais si don Carlos s’établit et réorganise son armée au moyen des renforts que lui amènent Cabrera et les autres chefs du Bas-Aragon, dans les montagnes au nord-est de Valence, il est probable qu’on cherchera à opérer quelque débarquement d’effets militaires, soit à Vinaroz, soit à San Carlos de la Rapita, dans la baie des Alfaques.

D’après les dernières nouvelles, l’expédition carliste est arrivée sans obstacle à Cantarvieja. C’est le point culminant du groupe de montagnes qui domine et sépare les trois provinces d’Aragon, de Catalogne et de Valence. Cette importante position est au centre d’un pays de difficile accès, où les bandes carlistes se sont très souvent