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locales aux bandes carlistes, qui pullulaient sur tous les points. Mais la vérité nous commande d’ajouter qu’elles ont fort mal réussi. La quinta, ou la levée de cinquante mille hommes, a soulevé de très vives résistances, et il a fallu renoncer à l’accomplir dans de grandes et populeuses provinces, qui n’avaient pas trop de toutes leurs ressources en hommes et en argent pour se défendre contre les factieux. La mobilisation des gardes nationales s’est effectuée en partie ; mais elle a envoyé des déserteurs aux carlistes, elle a été trop souvent, pour les petites villes et les campagnes, un véritable fléau, et les bandes, mieux servies par les paysans, fort rapides dans leurs marches, ont presque toujours échappé à la poursuite des mobilisés. Cependant il y a des gardes nationales non mobilisées, qui ont fait chez elles, dans le clocher de leur paroisse, dans le château-fort de leur petite ville, en combattant pro aris et focis, de ces admirables résistances dont l’Espagne est la terre classique. Quant à l’emprunt forcé, la répartition en ayant d’abord été faite d’une manière inique, arbitraire et capricieuse, il a eu le malheur de servir trop fréquemment des haines particulières, et il est devenu, en un grand nombre de lieux, un nouveau moyen de persécution politique, non-seulement contre les carlistes ou réputés tels, mais contre une classe nombreuse de propriétaires, désignés à l’oppression des juntes locales comme modérés et estatutistes, ou partisans du statut royal. Le gouvernement n’en a d’ailleurs pas retiré grand’chose. Comme le recouvrement n’en était pas confié à ses agens, les autorités provinciales en ont appliqué une partie considérable à leurs propres dépenses, aux fortifications des chefs-lieux, au paiement des troupes affamées qui venaient à y passer ; et, en définitive, M. Mendizabal a reconnu lui-même devant les cortès, il n’y a pas long-temps, que le trésor avait à peine reçu 70,000,000 de réaux sur les 200 qui ont été imposés, c’est-à-dire un peu plus de 17,000,000 de francs, dans l’espace de six ou sept mois. Nous avons hâte de le répéter, il n’était peut-être pas possible qu’il en fût autrement. Cet emprunt, cette levée, cette mobilisation de gardes nationales, étaient peut être indispensables, et enfin on a vécu sur ces faibles ressources ; mais il nous sera bien permis de croire que la pauvreté des résultats, en accusant un peu le décousu de l’administration, accuse bien plus encore la gravité des désordres que la révolution a laissés après elle, et pourrait donner la juste mesure des sentimens de la nation envers les principes et les hommes de cette révolution.

On n’était pas encore sorti de la confusion dans laquelle les évène-