Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
LE PORTUGAL AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

l’étranger du pain de la charité publique, que déjà cette autorité était tyrannique comme un pouvoir faible et précaire. D’où vient cela, si ce n’est que la majorité numérique ne suffit pas pour faire prévaloir certaines idées lorsqu’elles sont rayées par la Providence du livre de l’avenir ? Agis mourant pour faire revivre les lois de Lycurgue, Brutus immolant un grand homme à la liberté patricienne, Saint-Just rêvant, sous les échafauds, de la Grèce et de Rome, terribles exemples de l’impuissance et du danger des anachronismes, exemples que don Miguel de Bragance a confirmés à sa manière et à son tour !

Mais on va voir ce gouvernement aux prises avec des dangers plus immédiats, et cette lutte révélera mieux que tout le reste l’état de ce triste pays.

Chassé du trône impérial par le parti national, qui s’obstinait à le proclamer Portugais alors qu’on le considérait comme Brésilien à Lisbonne, don Pedro Ier avait ressenti au-delà des mers le contrecoup des trois journées[1]. L’espérance de reconquérir un royaume pour sa fille lui rendit plus facile l’abandon du sien, et cette reine-enfant traversa une seconde fois l’Atlantique à la poursuite d’une couronne qui devait si souvent blesser son jeune front. Si jamais les annales de l’Europe s’obscurcissaient au point de ne dessiner que quelques rares figures dans la nuit lointaine des âges, on accueillerait sans nul doute, comme le plus expressif et le plus gracieux des mythes, cette double et faible personnification de la régénération péninsulaire. Isabelle et Marie appartiendraient de droit à l’histoire de la palingénésie sociale. Puissent-elles être l’une et l’autre un symbole de renaissance !

Ce fut dans les affaires du Portugal que la politique de la monarchie de 1830 eut occasion de se dessiner pour la première fois. L’expédition de M. l’amiral Roussin, provoquée par des évènemens dans lesquels, il faut le dire, tous les torts n’étaient pas du côté du gouvernement de don Miguel, offrait une dangereuse occasion de propagande. Le ministère du 13 mars sut l’éviter. Il sut obtenir satisfaction[2] sans se compromettre dans des affaires entièrement en dehors de nos intérêts nationaux et de la sphère de notre influence naturelle et légitime. Le drapeau tricolore flottant le long des quais de Lisbonne sans déterminer d’insurrection, constatait en même

  1. L’empereur abdiqua en faveur de son fils, don Pedro II, le 7 avril 1831.
  2. L’escadre française força l’entrée du Tage le 11 juillet 1831.