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ordres, et qui témoignait un si vif repoussement contre les institutions fondamentales de la monarchie lusitanienne, s’appuyer sur elles quelques années plus tard pour faire consacrer les droits de don Miguel. Mais une contradiction de plus dans la logique des partis n’est pas chose à laquelle il faille s’arrêter. Il faut enfin tâcher d’oublier que Jean VI mourut le 10 mars 1826, et que ce fut à la fin d’août seulement qu’on prit soin d’ouvrir l’histoire pour contester le titre de don Pedro IV, parce que dans l’intervalle une charte constitutionnelle était arrivée à Lisbonne. Quoi qu’il en soit, il est certain que les cortès de Lamego ont décidé qu’aucun prince étranger ne pouvait prétendre à la couronne, et qu’elles ont pris, pour prévenir la violation de cette loi fondamentale, les dispositions les plus précises[1].

Cette disposition paraît, en effet, avoir pour conséquence d’écarter don Pedro, devenu en 1822 empereur du Brésil. Nous sommes loin de prétendre qu’il y ait une réponse parfaitement satisfaisante à cette objection. Il y a pourtant beaucoup à dire pour appuyer la décision spontanée du Portugal et de l’Europe. Il est d’abord constant qu’aucun des articles de la loi de Lamego ne prohibe la réunion de deux ou plusieurs couronnes indépendantes sur la tête du même souverain ; cette loi exige seulement qu’il soit Portugais pour régner en Portugal. En cela les cortès n’auraient-elles pas entendu dire seulement que le prince devait être Portugais par le sang, qualité appartenant incontestablement à don Pedro, né à Lisbonne, et que ne fait pas perdre la possession d’une autre souveraineté ? Ce prince n’était pas naturalisé étranger ; il n’avait jamais renoncé à sa qualité de Portugais. Or, cette considération est d’autant plus importante en ce qui touche le Portugal, que, d’après la législation civile de ce royaume, la naturalité ne dépend que du lieu et de la condition de la naissance, étant, du reste, aussi immuable que cette condition elle-même[2].

Un souverain ne peut-il pas, d’ailleurs, avoir deux nationalités à la fois ; n’en est-il pas toujours ainsi lorsque deux états sont réunis sous un même sceptre sans perdre leur existence distincte et

  1. Voici le texte de cette célèbre loi de Lamego : « Sit ista lex in sempiternum, quod prima filia regis accipiat maritum de Portugalle, ut non veniat regnum ad extraneos, et si sponsaverit cum principe extraneo non sit regina, quia nungnam volumus nostrum regnum ire for de Portugalensibus, qui nos suâ fortitudine reges fecerunt, sine adjutorio alieno per suam fortitudinem et cum sanguine suo. » (Exposé des droits, etc., 167.)
  2. Ordenaçâo do reino, liv. ii, tit. lv.