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ham, c’est la jolie grotte de rocailles et de coquilles formée au bout du jardin, dans un passage souterrain sous la grande route, et ornée de miroirs où se reflétait la Tamise. Cela n’est-il pas bien rustique ?

Le hameau de Twickenham avait offert dès l’abord au poète une société non moins mondaine et non moins parée que sa retraite. Les beaux esprits de Londres s’y réunissaient souvent. La célèbre lady Montague, revenue de l’ambassade à Constantinople avec tant de poétiques et curieux souvenirs, habitait ce village une partie de l’année. Elle était depuis long-temps l’admiratrice de Pope, et lui avait écrit d’Orient de spirituels billets, en réponse à ses prétentieuses épîtres. Entourée de la plus brillante noblesse du parti whig, elle n’en accueillit pas le poète tory avec moins de faveur ; elle écouta ses vers, et lui montra ceux qu’elle faisait elle-même, avec plus de correction et de causticité que de grace.

Dans ce commerce d’esprit, Pope fut ébloui, et la vanité lui fit oublier quelques désavantages personnels que la gloire ne pouvait effacer. Il en fut puni par des plaisanteries, et se vengea par des traits de satire grossière, auxquelles lady Montague répondit, en nommant son calomniateur la méchante guêpe de Twickenham. La liberté politique et les haines de parti laissaient dans l’élégance anglaise une sorte de rudesse, dont la belle ambassadrice et le poète ont trop abusé.

Troublé dans sa retraite, et de toutes parts en butte aux critiques, aux sarcasmes, aux injures de l’envie, Pope ne trouva de consolation et d’appui que dans le retour de Bolingbroke. Ce célèbre homme d’état, tout plein des souvenirs de l’antiquité, au milieu de sa vie emportée par l’intrigue et le plaisir, s’était appliqué à lui-même ce que Dolabella écrit à Cicéron :

Tu as satisfait pleinement au devoir et à l’amitié ; tu as satisfait à ton parti et à cette forme de gouvernement que tu préférais. Ce qui reste à faire, c’est de nous placer où est aujourd’hui la république, plutôt que de nous exposer, en la poursuivant sous son ancienne forme, à ne la trouver nulle part.

Belles paroles, qui peuvent, selon les circonstances, diriger le patriotisme, ou excuser la faiblesse.

En conséquence, après avoir été banni comme jacobite, et avoir