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REVUE DES DEUX MONDES.

Pope traduit :

Et pour la faute du roi les peuples mouraient.

Homère dit au sujet de l’hécatombe qu’il s’agit d’envoyer à Chrysa, pour apaiser le dieu :

Peut-être, l’ayant rendu propice, le persuaderons-nous.

Pope traduit avec une intention philosophique :

Peut-être, à force de sacrifices et de prières, le prêtre pourra pardonner, et le dieu laisser vivre.

Homère fait dire à son Achille :

Je n’ai rien à redemander aux Troyens, car ils n’ont jamais enlevé mes génisses ni mes chevaux ; ils n’ont jamais ravagé les moissons dans la terre de Phthie, féconde et guerrière ; entre nous, il y a trop de montagnes chargées de forêts, et la mer retentissante !

Pope traduit dans une paraphrase :

Les lointains habitans de Troie ne m’ont jamais offensé ; ils n’ont pas conduit de troupes ennemies dans le royaume de Phthie ; mes coursiers belliqueux paissent en sûreté dans ses vallons ; au loin la mer retentissante et les remparts des rochers garantissent mon empire natal, dont une moisson abondante décore le sol fertile, riche de ses fruits et de sa race guerrière.

Il serait inutile et minutieux de dire comment cette version détruit la grandeur et la simplicité d’Homère. Voulons-nous voir ailleurs le fond même des sentimens, la passion, altérée par l’élégance du poète moderne ? Dans Homère, Priam, aux pieds d’Achille :

Souviens-toi de ton père, Achille, semblable aux dieux, de ton père, du même âge que moi, et au dernier terme de la vieillesse. Peut-être, en ce moment, ses voisins le menacent, et il n’a personne pour repousser la guerre et la ruine. Mais te sachant plein de vie, il se réjouit dans le cœur, et espère chaque jour de voir son fils arrivant de Troie.

Pope enjolive cette simplicité sublime :

Toi, le favori des puissances divines, songe à la vieillesse de ton père, et prends pitié de la mienne. En moi, reconnais cette image révérée d’un