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POÈTES ET ROMANCIERS DU NORD.

lu, relu et vanté par les critiques. Axel et Valborg n’était pas encore imprimé, mais il en circulait des copies dans toutes les familles. Il rentra dans sa ville natale avec une auréole de gloire ; ses amis l’attendaient sur le rivage, et un noble cœur de jeune fille battait pour lui. En 1810, il fut nommé professeur à l’université. Il épousa celle qu’il aimait depuis long-temps et se reposa, comme un homme du Nord, dans la vie de famille.

Quelques années après, il eut, comme Pétrarque, son jour au Capitole. Les étudians suédois chantèrent ses louanges, et dans la cathédrale de Lund, Tegner lui posa sur le front la couronne de poète scandinave.

La littérature danoise fut long-temps stérile et ignorée. Elle se forma après les autres, et se sentant faible et peu propre à prendre essor d’elle-même, elle chercha un soutien autour d’elle et s’appuya tantôt sur l’Allemagne, tantôt sur la France ; mais au xviiie siècle elle grandit tout à coup. C’est alors qu’on voit apparaître Holberg, cet homme de génie, Holberg, le seul poète comique que l’on puisse nommer immédiatement après Molière ; puis Ewald, qui se distingue également dans le drame et dans la poésie lyrique, puis Wessel, qui a su faire d’une parodie un chef d’œuvre, et Baggesen, écrivain classique, poète élégant, mais plus élégant que tendre, et plus spirituel que profond. Il manquait encore à cette littérature le drame national ; Œhlenschlœger le lui donna. Dès ses premières productions, il prit place à côté de Holberg, et laissa derrière lui les autres poètes.

Peu d’hommes ont été doués d’un génie aussi fécond, aussi facile qu’Œhlenschlœger. Aussi s’est-il exercé dans tous les genres, et presque toujours avec succès. Il a composé des drames, des comédies, des opéras, des romans, des poèmes lyriques et des poèmes mystiques. Comme il trouvait son public danois trop restreint, il s’est lui-même traduit en allemand, et il a traduit dans la même langue toutes les œuvres de Holberg. Jamais il n’a connu ni l’effort, ni la fatigue du travail. Les vers tombent de sa plume comme l’eau coule d’une source. Ils se suivent, se succèdent et se renouvellent sans cesse. De là vient qu’il a un style charmant, de grace, de flexibilité, d’abandon, mais souvent très négligé. De là vient aussi qu’il entremêle à ses plus belles compositions des pages inégales qu’un goût plus sévère aurait corrigées ou fait disparaître ;