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mens. Les ames criminelles les traversent tous successivement. Au reste, c’est plutôt un affreux purgatoire qu’un enfer proprement dit, car la doctrine de la transmigration des ames et de la succession des existences a du moins sauvé le bouddhisme du dogme de l’éternité des peines.

Du reste, plusieurs des supplices créés ou reproduits par l’impitoyable imagination de Dante se trouvent dans l’enfer bouddhique. Tels sont le sable brûlant, les chaudières, les crocs, le bain de sang, les glaives qui percent ou tailladent ; là aussi il y a des damnés qui, comme Philippo Argentieri, déchirent leur propre chair avec leurs ongles, a brano a brano. Il y a le supplice du froid après le supplice du feu. C’est une consolation de penser que ces atroces imaginations, qui ont épouvanté tant de pauvres ames, ne peuvent se varier beaucoup, et que leurs auteurs, qu’ils écrivent en Orient ou en Occident, retombent forcément dans les mêmes combinaisons de tourmens. C’est un soulagement analogue à celui qu’on éprouve en songeant que la cruauté qui inflige des supplices réels ne saurait non plus passer une certaine limite de douleur, et que tout ce qu’elle invente et accumule au-delà est perdu, grace au ciel, et ne porte pas.

Quel contraste entre les horreurs que je viens de retracer et les préceptes humains de Bouddha, l’attendrissement sympathique et le dévouement sublime empreint dans sa légende ! Ce contraste, au reste, n’est pas plus grand que celui que forme cette poésie dantesque, expression du catholicisme du xiiie siècle, avec le sermon de la Montagne.

Si on avait besoin de prouver la bienfaisante influence du bouddhisme sur les mœurs et les institutions, il suffirait d’extraire de cette relation un passage où il est question de l’établissement de véritables hôpitaux dans la ville de Maghada, où le bouddhisme est représenté comme florissant et recevant les hommages même des brahmanes. « Les délégués que les chefs du royaume entretiennent dans la ville, y ont établi chacun une maison de médicamens du bonheur et de la vertu ; les pauvres, les orphelins, les boiteux, enfin tous les malades des provinces vont dans ces maisons, où on leur donne tout ce dont ils ont besoin. Les médecins y examinent leurs maladies ; on leur sert à boire et à manger selon les convenances, et on leur administre des médicamens. Tout con-