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UN CAPRICE.

Je connais M. de Chavigny plus qu’il ne pense ; il est méchant, mais il n’est pas mauvais. Il aura agi par boutade ; avez-vous pleuré devant lui ?

MATHILDE

Oh ! non, jamais.

MADAME DE LÉRY

Vous avez bien fait ; il ne m’étonnerait pas qu’il en fût bien aise.

MATHILDE

Bien aise ? bien aise de me voir pleurer ?

MADAME DE LÉRY

Eh ! mon Dieu ! oui, j’ai vingt-cinq ans d’hier, mais je sais ce qui en est sur bien des choses. Comment tout cela est-il venu ?

MATHILDE

Mais… je ne sais…

MADAME DE LÉRY

Parlez. Avez-vous peur de moi ? je vais vous rassurer tout de suite ; si pour vous mettre à votre aise, il faut m’engager de mon côté, je vais vous prouver que j’ai confiance en vous, et vous forcer à l’avoir en moi ; est-ce nécessaire ? je le ferai. Qu’est-ce qu’il vous plaît de savoir sur mon compte ?

MATHILDE

Vous êtes ma meilleure amie ; je vous dirai tout, je me fie à vous. Il ne s’agit de rien de bien grave ; mais j’ai une folle tête qui m’entraîne. J’avais fait à M. de Chavigny une petite bourse en cachette, que je comptais lui offrir aujourd’hui ; depuis quinze jours je le vois à peine ; il passe ses journées chez Mme de Blainville. Lui offrir ce petit cadeau, c’était lui faire un doux reproche de son absence, et lui montrer qu’il me laissait seule. Au moment où j’allais lui donner ma bourse, il a tiré l’autre.

MADAME DE LÉRY

Il n’y a pas là de quoi pleurer.

MATHILDE

Oh ! si, il y a de quoi pleurer, car j’ai fait une grande folie ; je lui ai demandé l’autre bourse.

MADAME DE LÉRY

Aïe ! ce n’est pas diplomatique.

MATHILDE

Non, Ernestine, et il m’a refusé… Et alors… Ah ! j’ai honte…

MADAME DE LÉRY

Eh bien ?

MATHILDE

Eh bien ! je l’ai demandée à genoux. Je voulais qu’il me fît ce petit sa-