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UN CAPRICE.

pâli durant cet entretien cruel ; tu me plais, je sens que je t’aime ; dans ce petit réseau fragile, il y a quinze jours de ma vie ; ah ! non, non, la main qui t’a faite ne te tuera pas ; je veux te conserver, je veux t’achever ; tu seras pour moi une relique, et je te porterai sur mon cœur ; tu m’y feras en même temps du bien et du mal ; tu me rappelleras mon amour pour lui, son oubli, ses caprices, et qui sait ? cachée à cette place, il reviendra peut-être t’y chercher. (Elle s’asseoit et attache le gland qui manquait.)


Scène vi.


MATHILDE, MADAME DE LÉRY.
MADAME DE LÉRY, derrière la scène.

Personne nulle part ! qu’est-ce que ça veut dire ? on entre ici comme dans un moulin. (Elle ouvre la porte et crie en riant :) Madame de Léry. (Elle entre. Mathilde se lève.) Rebonsoir, chère ; pas de domestique chez vous ; je cours partout pour trouver quelqu’un. Ah ! je suis rompue !

(Elle s’asseoit.)
MATHILDE

Débarrassez-vous de vos fourrures.

MADAME DE LÉRY

Tout à l’heure, je suis gelée. Aimez-vous ce renard-là ? on dit que c’est de la marte d’Éthiopie, je ne sais quoi ; c’est M. de Léry qui me l’a apporté de Hollande. Moi, je trouve ça laid, franchement ; je le porterai trois fois, par politesse, et puis je le donnerai à Ursule

MATHILDE

Une femme de chambre ne peut pas mettre cela.

MADAME DE LÉRY

C’est vrai, je m’en ferai un petit tapis.

MATHILDE

Eh bien ! ce bal était-il beau ?

MADAME DE LÉRY

Ah ! mon Dieu ! ce bal ; mais je n’en viens pas. Vous ne croiriez jamais ce qui m’arrive.

MATHILDE

Vous n’y êtes donc pas allée ?

MADAME DE LÉRY

Si fait, j’y suis allée ; mais je n’y suis pas entrée. C’est à mourir de rire. Figurez-vous une queue… une queue… (Elle éclate de rire.) Ces choses-là vous font-elles peur, à vous ?