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REVUE. — CHRONIQUE.

M. Thiers et de M. Guizot, venait assister à celle de M. Mignet, et la plus aimable moitié de l’assemblée avait encore redoublé, cette fois, de curiosité flatteuse. M. Mignet a dignement répondu à cette attente, et comme il convient à un historien politique, par une parole grave, solide, et qui ne cherchait l’éloquence qu’avec la pensée : son discours, qui a justifié la faveur de l’auditoire, ne satisfait pas moins la raison. Il a su peindre à grands traits le caractère et le double mérite de M. Raynouard comme poète et comme érudit, sans trop entrer dans les détails qui iraient mieux à des lecteurs qu’à une assemblée. Les pensées sérieuses et élevées, le ton simple et convenablement sévère, étaient une partie du bon goût de ce morceau. Lorsque M. Mignet, après une courte discussion de la réalité historique, telle que l’avait observée ou plutôt négligée l’auteur des Templiers, en est venu à déclarer le caractère propre du drame et à le séparer de l’histoire, il a été noblement éloquent ; et cet hommage, cet appel à l’idéalité de l’art, dans la bouche d’un des principaux organes de l’école historique, acquérait plus d’autorité encore. Nous ferons comme l’assemblée, et, après avoir applaudi au discours de M. Mignet, nous nous garderons de dire mot de celui qu’on lui a adressé en réponse, et que nous n’avons guère entendu.


— Sous le titre, la Cape et l’Épée, M. Roger de Beauvoir a publié[1] un recueil de ses poésies qui se distingue par de vives et piquantes qualités. Ce sont de petits romans espagnols comme Svaniga, ou fashionables comme les Nuits de Zerline, ou des pièces diverses de moindre dimension et que je préfère, tout-à-fait bien tournées, et bien troussées comme on peut dire, d’un ton cavalier et familier, et qui représentent à merveille les fantaisies, les élégances, les goûts, et même les travers poétiques de ce temps-ci. Si la poésie tout entière de notre époque disparaissait par hasard, et qu’on n’en retrouvât, après quelque cent ans, que ce volume mondain, il suffirait presque au critique pénétrant, avec ses échantillons encore frais et un peu bigarrés, pour l’aider à recomposer les caractères divers et les modes de nos inspirations évanouies. Des voyages en maints lieux pour remettre en frais l’imagination avide de couleurs, une Espagne, une Italie où l’on cherche à retrouver le rêve, beaucoup de souvenirs du Don Juan de Byron, un peu de religion par accès et la croix revenant à propos dans l’intervalle des coquets adultères, la Florence des vieux peintres et des sculpteurs chevaleresques regrettée du milieu de la vie du boulevard ou du bois, des chasses aussi féodales qu’on le peut sous le régime parlementaire, et la poésie de tous les jours autant qu’elle est loi-

  1. vol. in-8o, chez Suau de Varennes, rue Chabanais.