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REVUE. — CHRONIQUE.

s’écrouler si on entr’ouvrait seulement la porte d’un cachot ; sans les lois de disjonction et de non-révélation, la monarchie allait périr ; il y avait hâte d’élever une prison au bout du monde, pour y envoyer tous ceux qu’on allait se voir dans la nécessité de condamner en vertu des lois de septembre. C’était un concert général d’effroi et de menaces au pays, dans le parti doctrinaire. Il retentit encore à toutes les oreilles, personne ne l’a oublié ; et maintenant que l’amnistie est faite, après avoir essayé d’en dénaturer les suites, et de les montrer comme fatales au repos public, le parti doctrinaire se plaint chaque jour qu’on l’ait exclu de cet acte de clémence ; il ne le trouve pas assez étendu ; il voudrait que les contumaces y eussent été compris ; il s’étonne qu’on ait frappé des citoyens d’une surveillance de police ; et quand on lui parle de ses faits passés, de sa volonté exprimée cependant bien haut, il s’écrie qu’on le calomnie. C’est le calomnier que lui parler aujourd’hui de ce qu’il voulait hautement hier. À la bonne heure ! Mais le Journal des Débats, qui élève contre nous cette accusation, a-t-il bien réfléchi qu’il calomnie lui-même ses amis en les accusant d’avoir changé si subitement d’opinion ?

Nous voudrions savoir qui exprime les opinions de M. Guizot et de ses amis, du Journal des Débats qui prononce hardiment le mot de calomnie, quand on prête aux doctrinaires la pensée de changer l’ordre légal qui ne leur semble pas suffisant, ou de deux autres feuilles, notamment admises aux confidences du parti, rédigées par des hommes pris dans son sein, et qui ne ménagent pas au Journal des Débats les termes que ce journal jette si durement à d’autres ? Que dirait-on si les rôles avaient été habilement distribués par le parti doctrinaire, et si, tandis qu’un ex-sous-secrétaire d’état, prudemment caché sous la responsabilité du Journal des Débats, comme il se cachait naguère sous la responsabilité d’un ministre, défend avec aigreur son parti d’avoir conçu de nouvelles lois d’exception ; un autre fonctionnaire, éloigné des affaires en même temps que lui, criait, dans une autre feuille, à l’insuffisance des lois actuelles ? Nous voulons croire que le Journal des Débats n’a été que l’instrument complaisant de ces petites intrigues ; autrement nous prendrions la peine de lui prouver, par mille exemples, pris dans sa propre rédaction, que s’il y a calomnie à tirer une conséquence des principes hautement avoués par un parti, le Journal des Débats se rend chaque jour coupable de ce délit.

Non, ce n’est pas en cela que consiste la calomnie, et il ne faut pas porter avec tant de légèreté une accusation si grave. Une véritable calomnie, par exemple, ce serait de supposer, d’écrire, de publier dans un journal aussi répandu que le Journal des Débats, le tout sans en avoir les preuves, qu’un ambassadeur étranger aurait écrit à sa cour une dé-