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à la vigilance de son gouvernement, il n’a pas eu jusqu’ici à s’en repentir. Il est possible que cette question soulève beaucoup de difficultés ; mais les grandes choses ne sont jamais faciles à faire, et ce serait une belle révolution que celle qui ferait de la population de l’empire turc une masse nationale et compacte. Au reste, ces difficultés, il ne faut pas se les exagérer, et elles ne sont peut-être pas plus grandes que celles attachées au maintien de l’état actuel des choses.

L’armée turque est considérablement affaiblie. Ni dans l’intervalle qui a séparé la paix d’Andrinople de la guerre de Syrie (1829-1831), ni dans l’espace de temps qui s’est écoulé entre la paix de Kiutayah et le moment présent, elle n’est redevenue ce qu’elle était à l’ouverture de la première campagne contre les Russes, bien qu’alors la nouvelle organisation eût à peine deux ans d’existence ; depuis elle a été deux fois écrasée. Le sultan, son peuple, ses généraux, ont perdu à cette double épreuve leur confiance en eux-mêmes. Un découragement profond a succédé à cette généreuse ardeur des esprits, qui, en 1827, inspirait aux Russes de sérieuses inquiétudes, et aux autres gouvernemens l’espoir d’une régénération prochaine de l’empire ottoman. Aujourd’hui, le chiffre des troupes régulières ne saurait être bien exactement évalué ; mais la plus grande partie de ces forces, un peu plus de vingt mille hommes, est concentrée dans le pays de Diarbekir, à l’extrémité orientale de l’empire, où elles viennent de faire contre un chef kourde, Revenduz-Bey, une campagne dont nous parlerons tout-à-l’heure. Il y a encore quelques troupes dans la régence de Tripoli occupées à soumettre des chefs arabes. Le reste, en fort petit nombre, est, dans la Turquie d’Europe, insuffisant à sa défense, et très mal organisé. Pendant la dernière peste qui a tué cinquante mille habitans de la capitale, il est mort douze mille soldats à Constantinople, où le sultan les avait réunis pour de grandes manœuvres. Pour aggraver ce déplorable état de l’armée, l’administration militaire est livrée au plus fâcheux désordre. La disgrace récente du vieux seraskier Khosrew-Pacha et la mort de Reschid, pacha de Sivas, qui commandait l’armée de Mésopotamie, ne sont pas des évènemens favorables dans une pareille situation. Ces deux hommes, dont les défauts étaient grands, mais rachetés par des qualités précieuses, exerçaient l’un et l’autre beaucoup d’ascendant sur l’armée. Le