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instant, répondre de rien. Nous ne disons pas que ce soit là une disposition heureuse. Les grands intérêts qui se rattachent à la conservation de l’empire ottoman ne permettent plus de s’en féliciter ; mais, puisque le fait existe, il faut en apprécier les causes sans passion et sans préoccupation étrangère, et chercher s’il est susceptible d’être modifié, pour indiquer le remède au mal, s’il y en a un, ou se préparer à des combinaisons nouvelles, s’il n’y en a pas.

On a dit que les Turcs étaient campés en Europe, comme des soldats dispersés sur un champ de bataille après la victoire, et dormant auprès de leurs armes. Le mot est juste. Les conquérans ne se sont pas assimilés, dans le cours de quatre siècles, aux peuples vaincus ; et quoique l’adoption de la foi musulmane, par des individus ou des fractions des populations conquises, ait fait tomber la barrière entre les Ottomans et ceux qui avaient embrassé leur croyance, cependant il n’y a pas eu pour cela fusion des races. Les Turcs, à fort peu d’exceptions près, ne se sont mariés qu’entre eux. Ils n’ont ni remplacé ni détruit les races qui se trouvaient sur le sol. Ils se sont assis au milieu d’elles, arrêtant leurs progrès, sans en faire eux-mêmes, par un gouvernement détestable, et par ce système de domination individuelle sur les rayas, dont la ruine récente a marqué pour ces derniers le commencement d’une ère nouvelle et d’une destinée meilleure.

Nous venons peut-être de signaler un des meilleurs moyens de résoudre, en faveur de l’empire turc, le problème de sa vitalité, l’amélioration constante et sérieuse du sort des rayas. Le sultan actuel y a déjà beaucoup travaillé, et serait probablement disposé à s’avancer plus loin encore dans cette voie. Il faut le reconnaître et lui en savoir gré. Mais ce qu’il a fait à cet égard n’a pas rempli le but, n’a pas encore atteint le résultat qu’il nous semble nécessaire de réaliser. Il y a toujours en Turquie une nation dominante et des nations sujettes, placées, dans l’organisation politique et sociale de l’état, bien au-dessous des Turcs, quoique supérieures, en un grand nombre de points, sous le rapport des facultés et des lumières. Tant que durera cet état de choses, l’empire contiendra en lui-même un élément certain de destruction, élément qu’il importe d’autant plus de neutraliser que sa force augmente tous les jours, non-seulement par l’exemple du soulèvement heureux de