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certainement l’avantage de fixer les regards des gouvernemens et des peuples sur les moindres mouvemens du cabinet de Saint-Pétersbourg, sur ses démarches en apparence les plus inoffensives, sur la moindre évolution de troupes russes en Bessarabie, sur la promenade du moindre bâtiment de guerre russe entre Odessa et Sébastopol. Cette défiance générale se porte naturellement aussi sur les relations du ministre russe, à Constantinople, avec le sultan, avec les personnages influens de l’empire, avec tout ce qui exerce, de près ou de loin, quelque action sur la marche des affaires en Orient. Dans une pareille disposition des esprits et des choses, l’épreuve dont on parlait plus haut, a toutes les chances possibles de réunir les conditions nécessaires à son libre et entier accomplissement. Examinons donc avec soin sur quels élémens elle doit s’exercer, dans quel milieu elle se passe, et ce qui pourrait déjà en être résulté. Les conclusions et l’application des résultats à la politique pure viendront après, à leur véritable place et dans leur ordre logique.

Ce que l’on trouve le moins et ce qui diminue de jour en jour davantage dans l’empire turc, ce sont les Turcs. La population turque des pays directement soumis au gouvernement de Constantinople, c’est-à-dire de la Turquie d’Europe et des pachalicks de l’Asie mineure, ne saurait être évaluée, d’après les derniers calculs, à plus de quatre millions d’ames, dont huit cent mille seulement en Europe, sur une population totale de vingt-deux millions d’habitans. Mais, sous le rapport de la religion, la proportion est beaucoup plus favorable aux musulmans, vis-à-vis des chrétiens, parce que les Arabes professent tous l’islamisme dans les états du sultan, que les Kourdes sont aussi regardés comme musulmans, et qu’une partie des populations albanaise, bosniaque et autres a embrassé la religion du prophète, afin de partager avec les conquérans primitifs les avantages politiques qu’elle assure. En résumé, le nombre des rayas, dans la Turquie d’Europe et dans l’Asie mineure, paraît être un peu au-dessous de celui des musulmans.

Si le nom turc avait conservé tout le prestige qui s’y attachait autrefois, le fait qu’il ne s’applique qu’à une faible minorité, sur l’ensemble de la population de l’empire, serait moins grave ; mais dans l’état actuel des choses et des esprits, il est de la plus haute