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Varron, rapprochant cet inventa de l’inventum benignissimum du premier texte. Il pense que cette Lala fut l’artiste que Varron employa pour exécuter ses portraits ; et, comme il est dit qu’elle peignit avec le cestre sur ivoire (cestro in ebore), il pense que Lala gravait sur des tablettes d’ivoire les traits des figures, dans lesquels on passait de la couleur ; ces tablettes s’imprimaient ensuite au moyen d’un cylindre.

Tout cet arrangement ingénieux repose, comme on voit, sur une lettre mise à la place d’une autre, sur un n pour un u, dans inventa pour juventâ, deux leçons qui paléographiquement ne diffèrent presque pas l’une de l’autre, et qui se trouvent, en effet, indifféremment dans les manuscrits aussi bien que dans les anciennes éditions. Or, jamais peut-être plus faible différence entre deux mots n’en a causé une plus grande dans le sens d’une phrase.

M. Quatremère de Quincy, en tenant pour la leçon inventa, contre l’avis de tous les éditeurs critiques de Pline et de tous ses traducteurs, s’est laissé séduire par le rapprochement avec l’invento benignissimo de l’autre passage, sans penser que la syntaxe s’oppose à cette leçon, et que sa propre opinion y est également contraire.

Il lit donc : Marci Varronis inventa… pinxit. Mais, en partant de son hypothèse, 1o c’est inventum, non inventa, que Pline devait dire ; il ne s’agit pas de plusieurs inventions, il s’agit d’une seule, invento benignissimo ; 2o inventa pinxit ne présente aucun sens, car, selon l’hypothèse en question, Lala ne peignait pas les inventions de Varron ; elle gravait et peignait des figures sur ivoire ; ensuite Varron les faisait imprimer au moyen de son invention, ce qui est fort différent ; et Pline n’a jamais pu dire en ce sens Varronis inventa pinxit.

Quant à la grammaire, elle n’est pas moins contraire à la leçon inventa. M. Quatremère de Quincy ne cite que les mots Marci Varronis inventa… pinxit, et grammaticalement, dans cette phrase tronquée, inventa peut être le régime de pinxit mais dans le texte original il y a un autre régime, puisqu’on y lit : M… Varronis inventa… pinxit… imagines mulierum maximè, et Neapoli anum in grandi tabulâ, suam quoque imaginem ad speculum. Lala peignait des portraits de femmes. Dès-lors inventa s’oppose à toute construction ; je défie qui que ce soit de traduire la phrase.

Au contraire, avec juventâ, tout est clair. « À Rome, pendant