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MAUPRAT.

est faux. Au bout de trois jours, elle a cessé de dire des paroles intelligibles, et au bout de huit jours sa maladie a tourné à un silence complet. Elle a chassé Mlle Leblanc, depuis sept jours qu’elle a retrouvé sa raison, ce qui prouverait bien quelque chose contre cette fille de chambre. Voilà ce que j’ai à dire contre M. de Mauprat ; il ne tenait qu’à moi de le taire, mais ayant autre chose à dire encore, j’ai voulu révéler toute la vérité.

Patience fit une pause ; l’auditoire et la cour elle-même, qui commençait à s’intéresser à moi et à perdre l’âcreté de ses préventions, resta comme attéré d’une déposition si différente de celle qu’on attendait.

Patience reprit la parole. — Je suis resté convaincu pendant plusieurs semaines, dit-il, du crime de Bernard. Et puis j’ai beaucoup réfléchi à cela ; je me suis dit bien des fois qu’un homme aussi bon et aussi instruit que l’était Bernard, un homme dont Edmée faisait tant d’estime, et que M. le chevalier de Mauprat aimait comme son fils, un homme enfin qui avait tant d’idées sur la justice et sur la vérité, ne pouvait pas du jour au lendemain devenir un scélérat. Et puis il m’est venu l’idée que ce pouvait bien être quelque autre Mauprat qui eut fait le coup. Je ne parle pas de celui qui est trappiste, ajouta-t-il en cherchant dans l’auditoire Jean de Mauprat, qui n’y était pas ; je parle de celui dont la mort n’a pas été constatée, quoique la cour ait cru devoir passer outre, et en croire M. Jean de Mauprat sur parole.

— Témoin, dit le président, je vous ferai observer que vous n’êtes ici ni pour servir d’avocat à l’accusé, ni pour réviser les arrêts de la cour. Vous devez dire ce que vous savez du fait, et non ce que vous préjugez du fond de l’affaire. — Possible, répondit Patience. Il faut pourtant que je dise pourquoi je n’ai pas voulu témoigner la première fois contre Bernard, n’ayant à fournir que des preuves contre lui, et n’ayant pas foi à ces preuves mêmes. — On ne vous le demande pas pour le moment. Ne vous écartez pas de votre déposition. — Un instant ! J’ai mon honneur à défendre ; j’ai ma propre conduite à expliquer, s’il vous plaît. — Vous n’êtes pas l’accusé, vous n’avez pas lieu à plaider votre propre cause. Si la cour juge à propos de vous poursuivre pour votre désobéissance, vous aviserez à vous défendre ; mais il n’est pas question de cela maintenant. — Il est question de faire savoir à la cour si je