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REVUE. — CHRONIQUE.

« Au printemps de l’année dernière, dans une fouille exécutée parmi les tombeaux du Pirée, sous ma direction, on découvrit de nouveau plusieurs pierres tumulaires avec des ornemens architectoniques peints, propres à confirmer mes premières conjectures. Mais je persistais à ne considérer ces monumens que comme des exceptions.

« La découverte toute récente (faite à l’occasion du comblement du marais au Pirée) de neuf ou dix cippes pareils, avec des traces de peintures, plus ou moins bien conservées, m’a donné lieu, pour la première fois, de présumer toute l’importance de ce fait pour la connaissance du système de l’ancienne lithochromie.

« Les temples de la Grèce, qui nous ont été conservés, sont en petit nombre ; et, quoique le dessin des ornemens peints dans les diverses parties de l’entablement, du fronton, du plafond, des chapiteaux d’antes, etc., soit le plus souvent facile à reconnaître, néanmoins, dans plusieurs de ces parties, le choix des couleurs reste obscur ou douteux. La découverte d’ornemens colorés, sur les cippes sépulcraux, ouvre un champ vaste et nouveau pour la recherche de la lithochromie en architecture. En effet, pour me borner à l’Attique, les ports et la plupart des autres lieux de ce pays sont tombés en décadence de si bonne heure, que beaucoup de leurs cimetières ont été abandonnés à une époque peu éloignée des beaux temps de l’art : les monumens, n’ayant été enlevés par aucun nouvel habitant de ces champs du repos, sont restés en place ; à mesure que le temps les renversait, la terre les recouvrait peu à peu, et le sol desséché de l’Attique assurait leur conservation. C’est ainsi qu’ils gisent maintenant par milliers depuis le Pirée jusqu’au golfe de Salamine, depuis l’Ilissus jusqu’au promontoire Zoster. Par la comparaison d’un grand nombre d’entre eux, on pourra obtenir les notions les plus distinctes sur le choix et la réunion des couleurs, et l’on obtiendra des types certains pour la restauration de cette branche de l’art des anciens.

« Encore plus importans, peut-être, seront les figures et les groupes peints, qui, sur les monumens en question, prennent la place des bas-reliefs. On doit abandonner sans doute l’espoir de retrouver en Grèce, sur des monumens encore enfouis (car où pourraient-ils être ?), des échantillons de l’art d’un Polygnote, d’un Micon ou de leurs élèves : mais, notre découverte de ces pierres sépulcrales promet aussi, de ce côté, les plus beaux résultats. Sans parler des deux cippes de Syros, où le style ne peut-être assez clairement distingué, les figures peintes sur les deux cippes du Pirée sont d’un dessin assez élégant et correct pour donner la conviction que des maîtres de l’art, non des élèves peu exercés, étaient employés pour exécuter ces peintures. Pourquoi n’espérerions-nous pas qu’un hasard heureux amènera tôt ou tard la découverte de quelque monument de plus grande dimension, conservé avec toute la richesse de ses couleurs primitives ? »

L. Ross.
Athènes, 5 octobre 1836.


Nous n’ajouterons que peu de mots à cette lettre intéressante. La surprise que cette heureuse découverte cause au savant archéologue allemand, la satisfaction qu’elle lui donne, et les espérances qu’il en conçoit, sont un garant de l’intérêt avec lequel il aurait lu les recherches de M.  Le-