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DE L’AMNISTIE ET DE LA SITUATION POLITIQUE.

ni malheureux pour des causes politiques ; sa voix a été entendue. L’amnistie abolit les vaincus, et met un terme aux malheurs particuliers. On respire enfin ; on peut diriger son œil vers l’avenir, puisqu’on est sûr de ne laisser derrière soi ni gémissemens ni douleurs, et l’esprit n’est jamais plus libre que lorsque le cœur est léger.

Les révolutions demeurent belles dans l’histoire, à la condition de se montrer fécondes. Elles sont à la fois effet et cause. Elles sont produites par un grand mouvement national, et doivent, à leur tour, enfanter de salutaires progrès. Elles doivent se mettre d’accord avec les intérêts même de la civilisation, qui ne saurait s’intéresser à leur triomphe que dans l’espoir légitime d’en recevoir de l’éclat et de la durée dans la grandeur. Les véritables révolutions ne se confondent pas avec les turbulences qui veulent recommencer toujours et qui ne sauraient ni atteindre, ni avouer leur but : elles se proposent de fonder un ordre durable, et tiennent à honneur d’unir à l’impétuosité qui renverse la puissance qui édifie.

La grande cause de la révolution française a toujours poursuivi deux résultats également importans, le progrès dans les formes politiques et le développement du fond même de la société. Quant aux formes mêmes, n’oublions pas que la révolution n’a jamais remporté une victoire plus éclatante qu’en 1830, car elle a fondé un gouvernement nouveau en son propre nom, sous la consécration expresse de ses propres principes ; en 1789, elle s’était associée à la monarchie de Louis XVI, puis, après des crises à la fois héroïques et furieuses, elle fut contrainte d’accepter l’empereur, qui se mit, tout ensemble, à l’enchaîner et à la satisfaire ; en 1814, ses sacrifices furent plus grands encore, elle dut pactiser un moment avec un principe hostile ; en 1830, elle reçut au contraire de glorieuses satisfactions ; elle fut maîtresse, et fit de son principe la base du gouvernement nouveau. Ni la réforme religieuse du xvie siècle, en Allemagne, ni la révolution anglaise de 1688, n’ont obtenu des faits politiques une aussi complète reconnaissance.

Après tout, les formes de constitution et de gouvernement ne sont que des moyens pour obtenir le bonheur social, et, comme le pacte de 1830, loin de faire obstacle aux progrès nécessaires, s’y