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rait l’être ; il était lié d’enfance avec le défunt : « Cela ne m’étonne pas, dit-il, qu’il soit mort ; M. Dupuytren a scié son crâne, et on lui a trouvé un quart de pinte d’eau dans la tête. » Voyez un peu quelle simplicité !

Irons-nous plus loin ? tenterons-nous d’esquisser le portrait de l’exagéré politique ? non, monsieur ; nous n’avons, pour aujourd’hui, que la prétention d’effleurer quelques ridicules, et il y a autre chose dès que la politique s’en mêle. Nous en parlerons quelque jour ; ce chapitre mérite qu’on le traite à part. Tenons-nous en à nos ébauches, et saisissons cette occasion de citer un beau vers de M. Delavigne :

Le ridicule cesse où commence le crime.

Nous récapitulons maintenant et concluons : c’est faute de connaître l’esprit de notre temps, qu’une foule de talens distingués tombent continuellement dans l’exagération la plus burlesque ; c’est faute de se rendre compte à soi-même de ce qu’on vaut, de ce qu’on veut, et de ce qu’on peut, qu’on croit tout pouvoir, qu’on veut plus qu’on ne peut, et que finalement on ne vaut rien. Toute imitation du passé n’est que parodie et niaiserie ; on a pu autrefois faire de belles choses sans simplicité ; aujourd’hui ce n’est plus possible. Pour en finir comme nous avons commencé, nous citerons ici un dernier exemple :

Un homme veut se tuer ; ce n’est ni un amoureux, ni un joueur ni un hypocondriaque ; c’est un honnête homme qu’un malheur accable, et qui s’indigne de son destin ; cet homme raisonne faiblement, si vous voulez, mais il a, par hasard, une grande ame, et malgré lui, sans qu’il sache pourquoi, cette ame inquiète se demande de quelle manière elle va partir.

À présent de quel temps est cet homme ? Marcus Othon, qui avait vécu comme Néron, mourut comme Caton, parce qu’il était Romain ; après avoir dormi d’un profond sommeil, le lendemain de sa défaite, il prit deux épées, les regarda long-temps, et choisit la mieux affilée : « Montre-toi aux soldats, dit-il à son affranchi, si tu ne veux qu’ils te tuent, pensant que tu m’aurais aidé à me donner la mort. » L’affranchi sorti de la chambre, Othon se tue raide, appuyé contre le mur, disant qu’un empereur devait mourir debout. Voilà une vraie mort romaine et antique. Supposez-la