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beau poème dramatique, ne sera pourtant pas inutile. Les applaudissemens ne seront pas pour nous ; mais si nous décidons un poète, quel qu’il soit, aujourd’hui célèbre ou obscur, à tenter des voies nouvelles, et si nos conseils le conduisent à une popularité inespérée, il n’y aura pas lieu d’accuser la discussion de stérilité. Délibérer et démontrer ne compose pas, nous le savons bien, la vie entière de l’intelligence. L’invention est, à coup sûr, une des plus magnifiques expressions de la puissance humaine ; mais il y aurait de l’injustice à proscrire la délibération et la démonstration comme des enfantillages. S’il est vrai que le géomètre, en résolvant une équation, peut décider, dans un avenir indéterminé, une découverte inattendue, il n’est pas moins vrai que la discussion littéraire, traitée sérieusement, peut agir sur la conduite de la poésie, par voie directe ou indirecte, soit en modifiant le mouvement des idées chez les intelligences poétiques, soit en changeant le cours des sympathies populaires. Si nous sommes dans le vrai, si nos affirmations ne reposent pas sur des rêves, peu importe que les poètes traitent nos conseils comme les hommes d’état ceux des publicistes. Il est naturel de penser que le maniement des affaires et la pratique de l’invention révèlent des secrets ignorés des critiques et des publicistes ; ce n’est pas nous qui le nierons ; mais le dédain, si superbe qu’il soit, ne comptera jamais à nos yeux pour un argument. C’est pourquoi nous discuterons avec une entière confiance les devoirs de la poésie dramatique.

Or, quels sont les élémens de la poésie dramatique ? Ramenés à leur plus haute généralité, dégagés de toutes leurs formes passagères et locales, ces élémens ne sont-ils pas l’histoire et la société ? Nous ne croyons pas possible d’apercevoir au-delà de l’histoire et de la société un élément mis en œuvre par la poésie dramatique. Mais à quelles conditions l’histoire paraît-elle sur le théâtre ? Est-il nécessaire, est-il raisonnable d’accepter sans réserve, sans restriction, la réalité consacrée par les récits authentiques ? L’emploi de l’histoire au théâtre n’est-il pas soumis à des lois très différentes des lois du récit historique ? Nous nous prononçons hardiment contre l’acceptation littérale des données de l’histoire. La thèse contraire à celle que nous soutenons a été défendue plusieurs fois avec un talent remarquable ; nous avons lu avec une attention scrupuleuse tous les argumens présentés par nos adversaires ;