Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/503

Cette page a été validée par deux contributeurs.
493
LA PRESSE FRANÇAISE.

les innovations de mauvais goût n’ont pas altéré le caractère le plus essentiel du beau style gothique, l’élancement et la prédominance des lignes verticales. La pauvreté de l’ornementation dépend de la rareté des matériaux convenables, et ne doit pas être reprochée aux artistes du pays, qui ont fait leurs preuves dans la sculpture sur bois. M. Mérimée attribue une origine anglaise à l’architecture bretonne. Nous devons dire que son opinion a trouvé des contradicteurs qui signalent les caractères du prétendu style anglais dans l’est de la France, et notamment dans plusieurs églises de la Bourgogne et du Nivernais.

De simples notes de voyage nous rendent cette clarté, cette sobriété d’expression, ce tour vif et facile, qui ont valu à M. Mérimée une place à part, même dans les premiers rangs des prosateurs de notre époque. Renonçant à briller par le coloris, évitant le mot technique, ou du moins l’enchâssant de telle sorte qu’il s’explique par lui-même, il se maintient entre les deux excès où tombent aisément les imaginations riches, quand elles dérogent jusqu’aux sciences exactes. M. Mérimée ne se laisse jamais distraire de son observation. En présence d’une ruine pittoresque, au souvenir d’une tradition, on épie un éclair d’émotion dramatique, et on ne retrouve que l’imperturbable archéologue. Cette impassibilité réjouira sans doute les très doctes antiquaires ; mais la foule des lecteurs en pourrait éprouver quelque désappointement. Nous-mêmes, en sentant tout ce qu’il y a de méritoire dans une semblable abnégation des plus brillantes qualités, nous n’avons pas la vertu d’en faire l’éloge.


vii. Philosophie historique. — Si aux livres dont nous venons d’offrir l’analyse on joignait ceux qui sont condamnés au silence, on verrait qu’il suffit de peu de mois pour conduire les lecteurs par les âges et les pays les plus divers. La multitude de documens originaux, de témoignages, de dissertations, de conjectures, d’autres diraient, en deux mots, le fatras historique que chaque jour accumule chez nous, est plus que doublée par le labeur des autres nations littéraires. L’admiration irréfléchie peut prendre l’encombrement pour de la richesse ; mais pour les esprits austères, pour ceux qui se sentent la force d’édifier, le remaniement sans règle et sans fin des matériaux a des inconvéniens qui déjà se sont fait sentir. La prétention d’utiliser toutes ces ébauches serait folie. Il faut même renoncer à les connaître. Chacun s’en tient d’ordinaire aux autorités qui favorisent une idée préconçue ; car il y a tant de versions sur chaque point, que les systèmes les plus contradictoires peuvent s’arroger aujourd’hui la confirmation des faits. Notre époque a fourni d’excellentes études partielles ; elle est aussi riche qu’aucune autre en observateurs ingénieux ou profonds, en écrivains assez habiles pour donner une apparence de raison à la thèse qu’ils ont soutenue. Cependant, si l’on vient à comparer leurs