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LA PRESSE FRANÇAISE.

sement. La domination d’une race dégénérée étant insupportable, il se forme partout des sociétés politiques, dont le but avoué est le renversement de Tao-Kouang (gloire de la raison) et l’expulsion des Tartares. La crise pourra être déterminée par l’accroissement prodigieux de la population, qui déjà est hors de proportion avec les moyens naturels de subsistance. On assure qu’un Français établi aux États-Unis sollicite, dans un mémoire adressé au congrès américain, l’autorisation et les moyens de se rendre en Chine, afin d’y déterminer une inévitable migration ; ainsi, une colonie chinoise, établie sur la côte occidentale de l’Amérique du Nord, lierait intimement le monde nouveau à l’Orient ; ce serait peut-être encore un moyen d’éluder les prétentions de l’Angleterre qui s’arroge des droits sur les bords de la mer Pacifique, et certainement n’en abandonnera pas la possession aux Américains sans indemnités[1]. En supposant que cette gigantesque pensée fût autre chose qu’une ivresse d’imagination, elle échouerait devant le préjugé qui attache le Chinois au tombeau des ancêtres. Une révolution doit donc bientôt fractionner le plus grand peuple du monde. Sans prétendre au rôle de prophète, on peut dire que ses destinées se décideront sous l’influence de son dangereux voisinage ; car la Chine, pressée au nord par la Russie asiatique, au sud par l’Inde anglaise, peut recevoir ironiquement le titre d’empire du milieu, qu’elle s’attribuait autrefois dans son orgueilleuse ignorance.


vi. Archéologie. — Les Occidentaux, assez riches pour être généreux, ont abandonné aux Chinois l’honneur des trois découvertes qui ont renouvelé le monde, la boussole, la poudre à canon et l’imprimerie. Il y a pourtant matière à litige pour les deux dernières. Les droits véritables de l’inventeur résultent, non pas de la remarque d’un fait souvent dû au hasard, mais de l’ingénieuse application d’un fait observé. Que les Chinois aient reconnu la propriété fulminante d’un certain mélange, il n’y a pas là grand mérite. On prétend même que la constitution géologique de quelques terrains a dû hâter cette découverte. Mais deviner le mécanisme de l’explosion, calculer la force de transition du corps solide à l’état gazeux, faire servir cette dilatation au jet d’un projectile, voilà l’œuvre du génie que les Chinois n’ont pas même soupçonnée avant le xvie siècle. Relativement à l’imprimerie, on pourrait dire que c’est la mobilité des caractères qui en fait un merveilleux instrument de civilisation. Or, l’écriture idéographique ne permettant pas l’emploi de ce système, les Chinois en sont encore aux planches gravées en relief. Mais l’invention de la stéréotypie, qui ne date chez eux que du xe siècle de notre ère, leur appartient-

  1. Les deux puissances sont convenues de laisser la question pendante jusqu’en 1840.