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LA PRESSE FRANÇAISE.

cipes qu’il faut juger une œuvre sérieuse, et cette épreuve laisse une haute idée de l’auteur. Nous avons surtout remarqué dans les lettres intitulées : Amélioration sociale, des pages sévèrement écrites, et que la plus scrupuleuse philosophie avouerait.

Les caprices de la bibliographie nous conduisent en Chine, sur les traces de M. Davis[1]. L’auteur entre en matière par un exposé historique des relations établies entre les Européens et les Chinois, depuis les souvenirs confus de l’antiquité, jusqu’aux missions religieuses ou commerciales des Occidentaux, particulièrement des Anglais. Viennent ensuite la topographie et l’histoire politique de l’empire. Cette partie n’est pas exempte de sécheresse, et elle exigeait peut-être plus de deux chapitres ; mais la curiosité est satisfaite sur tout ce qui se rapporte au mécanisme social : gouvernement, législation, sectes diverses, caractères physiques des individus, aspect du pays, industrie, commerce à l’intérieur et dans ses relations avec l’Occident. Les pages consacrées par l’auteur anglais à la langue et à la littérature sont complétées par un travail de M. Bazin aîné, et par la traduction de plusieurs fragmens choisis. Tel est le cadre rempli par un homme qui a fait un séjour de vingt ans à Canton, en qualité d’agent commercial, qui a traversé à la suite des ambassades les provinces inaccessibles aux Européens, et qui, dit-on, parle et écrit le chinois comme l’anglais. Le livre de M. Davis, adressé aux lecteurs de toutes classes, corrigera sans doute beaucoup de notions fausses qu’on a répandues dans l’intérêt d’un système. Il fut de mode long-temps de répéter que le peuple chinois jouissait, depuis des milliers d’années, du bienfait de la civilisation, et que la sagesse de ses institutions le préservait des déchiremens, de la misère, des superstitions et des autres fléaux européens. On sait enfin ce que vaut cette assertion. L’immobilité du céleste empire, rompue d’ailleurs par d’assez fréquentes commotions, n’est réellement qu’une incurable inertie. Le régime patriarcal, le pouvoir absolu du chef de famille, qui est la forme rudimentaire des sociétés, subsiste dans toute sa force chez les Chinois. Là, comme dans l’antiquité, le père a droit de vie et de mort sur ses enfans. Il peut les détruire dès leur naissance, et plus tard devenir à la fois leur juge et leur bourreau, et il n’est même passible que d’une correction très légère, s’il lui arrive de les tuer sans cause légitime. Ce despotisme paternel, que les lois romaines ont successivement modéré, que le christianisme a aboli, en proclamant l’égalité de toutes les créatures devant Dieu et devant la loi, il a au contraire été entretenu en Chine par la législation et les coutumes religieuses. La chaîne de l’obéissance filiale n’est pas même rompue par la mort. Tout

  1. La Chine, 2 vol. in-8o, avec des gravures sur bois. Chez Paulin, rue de Seine, 33.