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prétentions de prépondérance, disons mieux, de domination sur le nord et le sud. Partout les relations établies par l’ancien pacte fédéral viennent se heurter contre des incompatibilités. La rupture de l’Union, dont l’idée seule eût fait frémir, il y a dix ans, qui était rangée parmi les choses infâmes qu’il n’est pas permis de nommer, la rupture de l’Union a été appelée sans que la foudre soit tombée sur la tête du sacrilége. Maintenant, c’est un lieu commun de conversation. Or, la rupture de l’Union, si elle avait lieu, serait la plus complète des révolutions possibles.

L’agitation intérieure n’est pas toujours dangereuse : elle peut n’être qu’une fièvre de croissance, une tendance vers d’utiles réformes. Mais ici, l’instinct qui se trahit dans les masses, lui donne un caractère sombre et inquiétant. M. Chevalier, dont le témoignage n’est certainement pas hostile, nous montre l’émeute s’érigeant en justice nationale, torturant dans la rue le citoyen sur le soupçon de sympathie pour les noirs. L’écrivain qui ne sait pas taire une vérité courageuse, n’échappe aux mauvais traitemens que par un exil volontaire. Pour la classe aisée, toutes les lois disparaissent devant celle de la convenance (expediency), et c’est en vertu de cette loi qu’on maintient l’esclavage et qu’on dépouille l’Indien. Le courage civil, dit encore M. Chevalier, cette vertu des Hampden, paraît s’éteindre : les riches, effrayés par de récentes dévastations, sentent le besoin de fortifier l’autorité ; ils voudraient se former eux-mêmes en milice urbaine, et ils n’osent dans la crainte d’organiser la guerre civile. Il est remarquable que cette décadence prématurée est attribuée à l’influence du comptoir, par l’un des plus chauds promoteurs du régime commercial. — « La génération actuelle des États-Unis, dit-il, vivant dans une atmosphère d’intérêts, si elle est supérieure à la génération révolutionnaire en intelligence et en audace industrielle, lui est bien inférieure en courage civil et en amour du bien public. » - C’est encore par une semblable inadvertance que M. Chevalier, après une théorie assez obscure sur les inconvéniens d’une trop grande unité nationale, et les avantages d’un double type au sein d’un peuple, revient à plusieurs reprises sur les inimitiés et la désunion imminente de l’Yankee et du Virginien, les deux types des États-Unis. L’auteur, qui blâme chez autrui le penchant à l’idéalisation, se laisse aller, dans son introduction, à de vagues théories, à des mouvemens prophétiques, qui ont plus d’éclat que de justesse. Nous avons hâte de dire que si ces contradictions sont remarquées, c’est que les plus légères taches deviennent apparentes dans les beaux ouvrages. Elles tiennent évidemment à la forme épistolaire qui fractionne le cadre, et qui, en affranchissant l’écrivain du travail des transitions, laisse subsister l’inévitable divergence des premières idées. C’est d’ailleurs par l’impression de l’ensemble et par la portée des prin-