Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/489

Cette page a été validée par deux contributeurs.
479
LA PRESSE FRANÇAISE.

l’intérêt nous a paru renouvelé par l’abondance et la sagacité des développemens. On lit dans l’introduction : « Une époque dont il reste un code et des conciles finit toujours par se comprendre. ». En effet, l’analyse intelligente doit lire dans une loi la cause qui l’a provoquée : le remède y dénonce le mal. Dans le silence des chroniques, l’auteur a su faire parler les actes successifs des conciles de Tolède, et le Code gothique connu sous le titre de : Forum Judicum ; c’est par eux qu’il éclaire le travail de la civilisation qui fait d’une peuplade farouche, le centre d’une société régulière. Il nous est arrivé rarement, dans notre revue des historiens, d’avoir à nous occuper de style. Le silence sur ce point serait une injustice envers M. Rosseeuw Saint-Hilaire. L’exécution de son livre est remarquable, moins peut-être par des qualités saisissantes, que par l’absence des défauts qui appartiennent à l’époque. On trouvera plaisir à un récit plein et suivi, que relèvent parfois des pages franchement, heureusement écrites ; et c’est surtout ce genre de mérite qui nous fait espérer le succès pour l’une des plus utiles et des plus estimables productions de la nouvelle école historique.

Un devoir de la critique est de soutenir l’attention sur les livres sérieux, et pour lesquels on a courageusement sondé toutes les sources de la vérité. À ce titre, on nous pardonnera de revenir sur un ouvrage que nous avons déjà mentionné plusieurs fois, l’Histoire de l’empire ottoman, par M. de Hammer[1]. La troisième livraison embrasse dans un demi-siècle (1520 à 1574) les règnes de Souleiman, que les nations chrétiennes ont salué du titre de grand, et de Sélim II, dont les défauts disparurent sous les reflets de la gloire paternelle. Plus de vingt campagnes, dont treize conduites en personne par Souleiman ; des luttes sauvages où deux armées se dévorent ; Rhodes arrachée enfin aux chevaliers de Jérusalem ; Belgrade et Ofen emportées d’assaut ; le sol allemand violé et les murs de Vienne entamés par le canon des Turcs ; les côtes de la Méditerranée constamment menacées ; les états barbaresques rendus tributaires ; l’empire étendu à l’orient par la prise de Bagdad ; au nord, par le refoulement des Slaves ; au midi, par la conquête de l’Yemen, qui complète la soumission de la péninsule arabique ; enfin, pour faire une ombre au tableau des victoires ottomanes, la bataille de Lépante, le seul avantage mémorable obtenu par les chrétiens : tels sont les faits qui, minutieusement racontés, animent le mouvement dramatique du récit. L’histoire de cette même époque répond encore à une des préoccupations présentes du monde politique. Le règne de Souleiman fut le plus haut point de la puissance ottomane ; mais les historiens orientaux, ceux que

  1. Tomes v et vi, et 3e livraison de l’atlas. Chez Bellizard, rue de Verneuil, 1.