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autre but que de susciter des embarras à son frère Henri III qu’elle détestait, fit agir toutes les femmes attachées plus ou moins légitimement aux seigneurs protestans, et notamment deux maîtresses du roi son mari ; qu’elle-même s’employa auprès du sieur de Turenne pour déterminer une nouvelle prise d’armes ; de sorte qu’une rupture qu’à la cour de France on appelait gaiement la guerre des amoureux, eut pour préface publique le grave et religieux manifeste reproduit dans les Archives curieuses. En trouvant plus loin la bulle d’excommunication fulminée par Sixte V, contre les princes de Bourbon, chefs des réformés, on se rappelle que ce même pape conseillait à Henri III le meurtre des Guises, chefs de la Ligue, et les tuteurs du catholicisme en France. Il faut donc louer MM. Cimber et Danjou de n’avoir pas hasardé, d’après les seuls monumens d’une époque, la solution des grands problèmes de philosophie historique. Leur collection se recommandait d’ailleurs par un autre genre d’intérêt. Elle rend aux personnages célèbres, passions, habitudes et langage ; elle renouvelle jusqu’aux moindres émotions des vieux âges : sans composer le drame, elle en fournit les élémens, et satisfait ainsi les imaginations vives qui ne comprennent l’histoire que comme la résurrection pittoresque du passé.

La collection de pièces relatives à l’histoire de France, entreprise avec l’autorisation royale et les secours du budget, compte un volume de plus, le Polyptique, ou état des terres, des revenus et des serfs de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, dressé par l’abbé Irminon, sous le règne de Charlemagne. On prendrait une fausse idée de cette publication par la première livraison, texte latin d’une volumineuse comptabilité qui, ramenant toujours et nécessairement une même formule, est d’une sécheresse à rebuter les plus courageux lecteurs. Attendons la seconde livraison, dite partie française, c’est-à-dire une suite de dissertations et de commentaires, dans laquelle l’éditeur, M. Guérard, saura exposer l’état des personnes et la loi des relations privées au viiie siècle, avec toute la sagacité dont il a déjà fait preuve.

Ce qu’on demande avant tout aux écrivains qui ont eu part aux grands drames historiques, soit comme acteurs principaux, soit parmi les figurans, ce sont les indiscrétions piquantes, les rivalités de coulisses, le jeu secret des machines. À ce compte, le début des Mémoires de Lucien Bonaparte[1] causera quelque désappointement. S’ils rappellent le directoire et l’empire, c’est surtout par le style. Quant au fond, on signalerait difficilement jusqu’ici un trait caractéristique, une donnée nouvelle pouvant servir de correctif aux notions reçues ; et sans la signature

  1. Librairie de Charles Gosselin. — L’ouvrage aura cinq ou six volumes.