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LA PRESSE FRANÇAISE.

compose de pièces inédites quelquefois et ordinairement d’une grande rareté. C’est une chronologie formée naturellement par les pamphlets, procès-verbaux, correspondances, actes authentiques, révélations, bulletins de complots ou de batailles, de fêtes ou de désastres, en un mot par les opuscules de circonstance qui, dévorés par la curiosité à leur apparition, ne se conservent pas dans les bibliothèques, et deviendraient introuvables à l’heure de l’étude, si des éditeurs prévoyans ne les rassemblaient en corps d’ouvrages. Les derniers volumes publiés (tomes 10 à 13) conduisent de la sixième prise d’armes des huguenots en 1580, jusqu’à la paix de 1598 entre les rois de France et d’Espagne ; ils embrassent ainsi le drame entier de la Ligue. Les pièces qui se rapportent aux actes principaux sont groupées de façon à montrer toujours les partis aux prises. Protestans, catholiques, politiques royaux s’emparent des faits tour à tour pour se renvoyer l’injure et la menace. MM. Cimber et Danjou coordonnent les témoignages, en font pressentir la valeur dans de courtes notices, mais ne vont jamais jusqu’à l’affirmation. Cette réserve paraît commandée par la nature de leur travail. Les déclarations officielles, les écrits tracés dans le douloureux aveuglement des passions sont indispensables pour reconstruire historiquement le passé : par eux-mêmes, ils ne sont pas de l’histoire. Les contemporains ne sauraient avoir l’intelligence du mouvement qui les emporte. De près, leur vue ne saisit que les détails du tableau : l’ensemble leur échappe. Aussi, n’est-il pas facile de retrouver dans les monumens d’une époque le germe des hypothèses émises plus tard par les écrivains. Que la Ligue n’ait été qu’une orgie de fanatisme soudoyée par les princes lorrains ou espagnols, suivant la version du libéralisme voltairien ; ou bien, au contraire, qu’elle ait combattu pour l’émancipation populaire, et affermi la nationalité française, comme le prétend le nouveau libéralisme catholique, on peut dire, d’après les pièces émanées de la sainte union, qu’elle n’avait pas la conscience de son œuvre politique. De même, dans le camp opposé, rien ne trahit l’intérêt qui, dit-on, rattacha la féodalité expirante à la cause de l’hérésie. Il est prudent encore de ne pas prendre à la lettre les proclamations à l’adresse du public, les paroles prononcées dans l’esprit de leur rôle par ceux qui occupent la scène. Qu’on lise les « Déclarations du roi de Navarre sur les justes occasions qui l’ont mû de prendre les armes pour la défense et tuition des églises réformées de France, » et l’on sera édifié du zèle pieux, du désintéressement de Henri. S’il tire l’épée, c’est à regret, et seulement pour la cause du saint nom de Dieu, pour la liberté des consciences, pour le rétablissement d’une bonne et sincère justice. Mais qu’on interroge d’Aubigné, confident indiscret qui s’honore d’avoir écrit au pied du lit royal, il vous dira naïvement que la femme du Béarnais son maître, sans