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dit que murmure la foule après les grandes actions, les émotions du moment transmises d’âge en âge par les échos populaires, qui arrivent miraculeusement jusqu’à nous. Dans le désert, les journées par excellence sont celles qui voient le choc de deux tribus, un hardi coup de main, une lutte chevaleresque, une vendetta. Le récit d’une mémorable journée, fait par un témoin, se grave dans la mémoire d’un rawi, historien de l’époque, dont le mérite consiste à pouvoir répéter mot pour mot, sans addition, sans omission d’une seule syllable, ce qu’il a entendu, et de la sorte, la rédaction première traverse plusieurs générations de conteurs, sans subir le moindre changement. Au viiie siècle de notre ère, un docteur nommé Abou-Oubaydah se rendit célèbre par le nombre et l’exactitude des traditions qu’il pouvait raconter. Un siècle se passa encore, jusqu’à ce qu’un compilateur arabe, établi à Cordoue, mît le tout en écrit, et en formât un répertoire qu’il nomma le Collier, parce que chacun des vingt-cinq volumes qui le composent porte le nom d’une pierre précieuse. Les récits conservés par Abou-Oubaydah remontent donc aux premiers siècles de notre ère. Ils sont en prose, la plus ancienne qui nous reste, et en ce dialecte que le seul Mahomet, dit-on, a possédé parfaitement, d’une interprétation si difficile, qu’un orientaliste anglais l’a appelé l’arabe impossible. M. Fresnel en essaie néanmoins la traduction, à l’aide d’un docteur arabe qu’il s’est attaché. Mais pour lui, le plus instructif des commentaires est sans doute l’aspect des lieux qui furent le théâtre des sanglantes journées. Quant aux notions précises sur les mœurs et le gouvernement des anciens Arabes, il faut les chercher dans les notes très étendues qui accompagnent le texte principal. On sent combien cette forme est nuisible à l’intérêt. Mais peut-on se permettre un seul mot de critique, quand on a lu cette supplique du courageux voyageur que nous nous faisons un devoir de transcrire ? — « Je prie le lecteur de prendre en considération les circonstances dans lesquelles j’écris. Le retour de la peste, qui de bénigne qu’elle est à présent, peut devenir très meurtrière dans un mois, m’oblige d’en finir, et je ne puis faire pour le moment qu’un mémoire à consulter. »


iv. Histoire de France. — Cette section, assez pauvre en nouveautés, est grossie par la foule des mémoires et documens déjà connus en grande partie, et dont la place est marquée dans les grandes collections que la concurrence des libraires multiplie. Une distinction est à établir en faveur des Archives curieuses de l’Histoire de France[1], par MM. Cimber et Danjou. Ce répertoire, qui complète heureusement tous les autres, se

  1. Treize volumes sont en vente. Chez Beauvais, rue Saint-Thomas-du-Louvre.