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l’hypothèse qui désunit la grande famille des êtres intelligens ? Linnée reconnaît dans le genre humain quatre races et fait une classe à part des monstruosités ; Blumenbach en admet cinq ; Cuvier distingue assez vaguement trois races ; M. Duméril et M. Virey six chacun, mais qui ne correspondent pas entre elles. Le nombre des divisions s’élève, avec MM. Desmoulins, Bory de Saint-Vincent et Malte-Brun, à onze, quinze et seize espèces. Enfin, M. Gerdy, dont M. Broc reproduit la classification, s’en tient à quatre sous-genres, désignés par la couleur des individus. Ajoutons que chaque auteur répartit ces premiers groupes en familles et en variétés. Le mécanisme organique étant le même partout, les nomenclatures ne peuvent être établies que d’après les modifications de forme, de volume et de couleur. Or, les deux premiers indices nous paraissent fort incertains. Tout le monde sait que les organes surexcités se développent aux dépens des autres, et que la diversité du genre de vie explique suffisamment celle des aspects. Ainsi, tandis que la déplorable habitude de comprimer les pieds des femmes chinoises détruit chez elles l’instrument de la locomotion, les habitans des landes françaises, passant leur vie sur l’arbre qui produit la résine, se servant de leurs pieds pour en arracher l’écorce et pratiquer des incisions à l’aide d’un instrument tranchant, finissent par acquérir une flexibilité si remarquable, que, chez eux, le tact se déplace et descend, pour ainsi dire, des mains dans l’appareil inférieur. Ce seul exemple parle aussi haut que cent autres qu’on pourrait citer. Il permettrait de croire que la configuration attribuée à chaque race tient peut-être à des pratiques que l’observation n’a pas encore constatées. Sans sortir de notre pays, il suffit de parcourir l’échelle sociale pour voir qu’à chaque degré l’atmosphère morale est changée au point de modifier le masque des individus, et que ces différences, perpétuées dans chaque classe, produisent à la longue des types nettement tranchés et parfaitement saisissables. Le troisième indice, résultant de la couleur de la peau et de la chevelure, soulève une difficulté qui probablement ne sera jamais résolue méthodiquement ; car il faudrait que l’expérience fût suivie pendant une longue série de générations pour qu’elle devînt décisive. Les dernières recherches de l’anatomie déplacent la question sans la résoudre. Après avoir affirmé que la couleur du noir ne tient pas, comme on l’avait annoncé, à des causes internes, M. Breschet, cité par M. Broc, continue en ces termes : « Si, comme je le présume, les écailles de la peau du nègre diffèrent de celles du blanc, et si la différence de forme en produit une dans la couleur, ce point d’organisation expliquerait peut-être dans les deux races la dissemblance de coloration. » L’influence du climat a été niée par la plupart des savans : cependant les voyageurs s’accordent à dire que les Arabes de l’Yemen, classés parmi les peuples