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LA PRESSE FRANÇAISE.

lui de l’origine des idées. Les mots spiritualisme et matérialisme ne s’appliquent qu’au premier cas, et doivent exprimer d’une part la croyance d’un dieu-esprit, créateur et régulateur du monde, et de l’autre, l’opinion qui accorde au monde sensible une force créatrice. Les deux autres mots idéalisme et sensualisme ne peuvent se rapporter qu’à l’idéologie pure, et caractériser la doctrine des idées innées, en opposition à celle des idées acquises par la sensation. C’est encore par un étrange abus des mots que l’auteur justifie Spinosa de l’accusation d’athéisme. — Spinosa, dit-il, distingue la substance et les modifications de la substance ; il n’accorde d’existence réelle qu’à la substance, tandis qu’il nie la réalité substantielle des modifications, c’est-à-dire des choses finies. Il nie ainsi le monde, non Dieu. Il serait plus vrai de l’accuser d’acomisme que d’athéisme (tom. ii, p. 134). — Le raisonnement prêté aux panthéistes revient positivement à celui-ci : Je fais un dieu de vous et de moi, donc je ne suis pas athée ! Présumant que M. Barchou ne redoute pas beaucoup l’excommunication, nous ne nous ferons pas scrupule de pousser ses principes jusqu’aux conséquences extrêmes, et nous dirons : Admettre l’identité de Dieu et de la matière, c’est être athée en ce sens qu’on nie la notion communément reçue de la Divinité. C’est donner au mot Dieu une signification nouvelle et arbitraire. Or, c’est en dénaturant toujours la langue qui est le lien sensible d’une nation, que les philosophes parviennent à brouiller toutes les idées d’autrui, et souvent à se duper eux-mêmes.

Il nous paraît peu exact de rapprocher Descartes, Malebranche et Spinosa dans une même école, d’où seraient sortis les enseignemens répandus depuis en Allemagne. Pour classer sans injustice les philosophes, il faut distinguer les principes qu’ils ont hautement professés des interprétations auxquelles se prêtent leurs théories. Descartes, Malebranche et Leibnitz étaient sincèrement spiritualistes, dans le sens qui vient d’être exposé. L’idée d’identifier Dieu et la matière les eût probablement révoltés. Entre leurs croyances et celles du panthéisme, se trouve l’abîme qui sépare les deux grands systèmes auxquels se rapportent tous les autres. Pour rester dans le vrai, il suffisait de dire que Descartes, avec ses hypothèses cosmogoniques, Malebranche avec sa vision en Dieu, qui ne lui permet plus d’apercevoir la matière, Leibnitz avec ses monades douées de force ou d’intelligence, ont fourni à leur insu des matériaux pour constituer scientifiquement la religion nouvelle de Spinosa.

L’école allemande (nous évitons de dire la philosophie allemande, car la philosophie, qui est la recherche du vrai, appartient à l’humanité entière : une nation ne peut avoir en propre que la manière de philosopher), l’école allemande fut réellement ouverte par Kant. Aussi l’avénement du