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haussé les épaules de pitié, en voyant les clubs s’amuser à reconstruire la montagne ? En 1830, il était cependant plus probable que l’Europe coalisée attaquerait la France, qu’il n’est probable aujourd’hui que le parti démagogique attaque le trône. En 1830, on s’est défendu, par une attitude résolue contre l’Europe, et cela a suffi ; on se défendra aujourd’hui contre les partis par une police vigilante et sévère, par l’exécution rigoureuse des lois existantes, et cela suffira aussi. Dieu nous garde du 2 septembre 1793 et du régime de la terreur ! mais le ciel nous préserve aussi de l’état de siége et du système de l’intimidation !

Nous avons dit, en commençant, qu’un coup d’œil jeté rapidement sur la situation des affaires en dirait plus que tous les raisonnemens. Voyons, en effet, où en est ce ministère si faible et si abandonné, qui ne vit que de la pitié des doctrinaires ! Les rouages du dernier ministère s’étaient arrêtés, non pas, comme on l’a rapporté avec une foule d’inexactitudes, par l’effet d’une intrigue, mais par le rejet de la loi de disjonction. Ce vote déconcerta tout le plan de la session. Une majorité, peu considérable, il est vrai, s’était déclarée contre les lois politiques du ministère ; elle menaçait les lois financières, dont le rejet eût été une atteinte à la couronne. Une partie du ministère était d’avis de marcher bravement contre cette majorité, l’autre voulait rester dans les termes du gouvernement représentatif. C’est celle-ci qui l’a emporté, et le changement des dispositions de la chambre prouve qu’elle sait gré au pouvoir des ménagemens qu’il a eus pour elle. Dans les journaux doctrinaires, ceci prend un autre nom ; le ministère abandonne lâchement les droits de la couronne ; il étend, par une complaisance funeste, la plus dangereuse de toutes les influences, l’influence parlementaire, comme si le rejet formel d’une ou deux lois devait augmenter l’influence du ministère, comme si un nouvel échec du cabinet, joint à celui de la loi de disjonction, subi par le cabinet où figurait M. Guizot, était de nature à grandir notablement le pouvoir du trône !

À s’en tenir aux faits, le premier résultat du changement de ministère a été le vote spontané d’un million annuel à M. le duc d’Orléans, et d’un million à la jeune duchesse future. Grace à quelques explications très sommaires et fort dignes, après tout, la dot de la reine des Belges a été votée également à une grande majorité. En même temps, le roi accordait la grace de l’homme qui a lâchement attenté à ses jours et aux jours de ses enfans. Voilà les trois principaux faits qui ont signalé la première quinzaine de ce ministère, faits qui ont succédé au rejet d’une loi politique, à l’impossibilité reconnue de faire passer les deux lois de famille, et au parti pris d’une destitution en masse de fonctionnaires, que M. Guizot présentait comme le seul moyen de salut pour la monarchie. Au lieu de cela, le roi a gracié Meunier.