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MAUPRAT.

lignes. Enfin, Marcasse, baigné de sueur, s’arrêta et me dit : Nous sommes bien fous ; quand nous chercherions jusqu’à demain, nous ne trouverions pas un ressort, s’il n’y en a pas ; et quand nous cognerions, nous n’enfoncerions pas la porte, s’il y a derrière de grosses barres de fer, comme j’en ai vu déjà dans d’autres vieux manoirs.

— Nous pourrions, lui dis-je, trouver l’issue, s’il en existe une, en nous servant de la cognée ; mais pourquoi, sur la simple indication de ton chien qui gratte le mur, t’obstiner à croire que Jean Mauprat ou l’homme qui lui ressemble, n’est pas entré et sorti par la porte ? — Entré, tant que vous voudrez, répondit Marcasse, mais sorti ! Non, sur mon honneur, car comme la servante descendait, j’étais sur l’escalier, brossant mes souliers ; quand j’entendis tomber quelque chose ici, je montai vite, trois marches, voilà tout, et me voilà près de vous. — Vous mort, alongé sur le carreau, et bien malade ; personne dedans ni dehors, sur mon honneur ! — En ce cas, j’ai rêvé de mon diable d’oncle, et la servante a rêvé d’un manteau noir ; car, à coup sûr, il n’y a pas ici de porte secrète ; et quand il y en aurait une, et que tous les Mauprat, vivans et morts, en auraient la clé, que nous fait cela ? Sommes-nous attachés à la police pour nous enquérir de ces misérables ; et si nous les trouvions cachés quelque part, ne les aiderions-nous pas à fuir, plutôt que de les livrer à la justice ? Nous avons nos armes, nous ne craignons pas qu’ils nous assassinent cette nuit ; et s’ils s’amusent à nous faire peur, ma foi, malheur à eux ! je ne connais ni parens ni alliés, quand on me réveille en sursaut. Ainsi donc, faisons-nous servir l’omelette que les braves gens du domaine nous préparent, car si nous continuons à frapper et à gratter les murailles, ils vont nous croire fous.

Marcasse se rendit par obéissance, plutôt que par conviction ; je ne sais quelle importance il attachait à découvrir ce mystère, ni quelle inquiétude le tourmentait, car il ne voulait pas me laisser seul dans la chambre enchantée. Il prétendait que je pouvais encore me trouver malade et tomber en convulsion.

— Oh ! cette fois, lui dis-je, je ne serai pas si poltron. Le manteau m’a guéri de la peur des revenans, et je ne conseille à personne de se frotter à moi.

L’hidalgo fut forcé de me laisser seul. J’amorçai mes pistolets,