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LES TEMPLIERS.

devant la commission papale, ils avouaient la supériorité de ce tribunal, et les libertés de l’église gallicane étaient compromises. D’ailleurs sans doute les ordres du roi pressaient ; le jeune Marigni, créé archevêque tout exprès, n’avait pas le temps de disputer. Il s’absenta pour ne pas recevoir les envoyés de la commission ; puis quelqu’un (on ne sait qui) révoqua en doute qu’ils eussent parlé au nom de la commission, Marigni douta aussi, et l’on passa outre.

Les templiers, amenés le dimanche devant le concile, avaient été jugés le lundi ; les uns, qui avouaient, mis en liberté ; d’autres, qui avaient toujours nié, emprisonnés pour la vie ; ceux qui rétractaient leurs aveux, déclarés relaps. Ces derniers, au nombre de cinquante-quatre, furent dégradés le même jour par l’évêque de Paris et livrés au bras séculier. Le mardi, ils furent brûlés à la porte Saint-Antoine. Ces malheureux avaient varié dans les prisons, mais ils ne varièrent point dans les flammes ; ils protestèrent jusqu’au bout de leur innocence. La foule était muette et comme stupide d’étonnement.

Qui croirait que la commission pontificale eut le cœur de s’assembler le lendemain, de continuer cette inutile procédure, d’interroger pendant qu’on brûlait ?

« Le mardi 13 mai, par-devant les commissaires, fut amené frère Aimeri de Villars-le-Duc, barbe rase, sans manteau ni habit du Temple, âgé, comme il disait, de cinquante ans, ayant été environ huit années dans l’ordre comme frère servant, et vingt comme chevalier. Les seigneurs commissaires lui expliquèrent les articles sur lesquels il devait être interrogé. Mais ledit témoin, pâle et tout épouvanté, déposant sous serment et au péril de son ame, demandant, s’il mentait, à mourir subitement, et à être, d’ame et de corps, en présence même de la commission, soudain englouti en enfer, se frappant la poitrine des poings, fléchissant les genoux et élevant les mains vers l’autel, dit que toutes les erreurs imputées à l’ordre étaient de toute fausseté, quoiqu’il en eût confessé quelques-unes au milieu des tortures auxquelles l’avaient soumis Guillaume de Marcillac et Hugues de Celles, chevaliers du roi. Il ajoutait pourtant qu’ayant vu emmener sur des charrettes, pour être brûlés, cinquante-quatre frères de l’ordre, qui n’avaient pas voulu confesser lesdites erreurs, et ayant entendu