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LES TEMPLIERS.

blique sous deux rois. Le roi de Naples, comme comte de Provence, le roi de France, comme comte de Toulouse, avaient chacun la seigneurie d’une moitié d’Avignon. Mais le pape allait y être bien plus roi qu’eux, lui dont le séjour attirerait tant d’argent dans cette petite ville.

Clément se croyait libre, mais traînait sa chaîne. Le roi le tenait toujours par le procès de Boniface. À peine établi dans Avignon, il apprend que Philippe lui fait amener par les Alpes une armée de témoins. À leur tête marchait ce capitaine italien, ce Raynaldo de Supino, qui avait été, dans l’arrestation de Boniface VIII, le bras droit de Nogaret. À trois lieues d’Avignon, les témoins tombèrent dans une embuscade qui leur avait été dressée. Raynaldo se sauva à grand’peine à Nîmes, et fit dresser acte, par les gens du roi, de ce guet-apens.

Le pape écrivit bien vite au père du roi, pour le prier de calmer Philippe-le-Bel. Il écrivit au roi lui-même (23 août 1309) que si les témoins étaient retardés dans leur chemin, ce n’était pas sa faute, mais celle des gens du roi, qui devraient pourvoir à leur sûreté. Un des témoins qui, dit-on, a disparu, se trouve précisément en France et chez Nogaret.

Le roi avait dénoncé au pape certaines lettres injurieuses. Le pape répond qu’elles sont, pour l’orthographe, manifestement indignes de la cour de Rome. Il les a fait brûler. Quant à en poursuivre les auteurs, une expérience récente a prouvé que ces procès subits, contre des personnages importans, ont une triste et dangereuse issue.

Cette lettre du pape était une humble et timide profession d’indépendance à l’égard du roi, une révolte à genoux. L’allusion aux templiers qui la termine, indiquait assez l’espoir que plaçait le pape dans les embarras où ce procès devait jeter Philippe-le-Bel.

La commission pontificale, rassemblée le 7 août 1309, à l’évêché de Paris, avait été entravée long-temps. Le roi n’avait pas plus envie de voir justifier les templiers que le pape de condamner Boniface. Les témoins à charge contre Boniface étaient maltraités à Avignon, les témoins à décharge dans l’affaire des templiers étaient torturés à Paris. Les évêques n’obéissaient point à la commission pontificale, et ne lui envoyaient point les templiers. Chaque jour la commission assistait à une messe, puis siégeait ;