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LES TEMPLIERS.

fait un saint Paul… » Puis, dans un éloquent itinéraire, il conduit les guerriers pénitens de Bethléem au Calvaire, de Nazareth au Saint-Sépulcre.

Le soldat a la gloire, le moine le repos. Le templier abjurait l’un et l’autre. Il réunissait ce que les deux vies ont de plus dur, les périls et les abstinences. La grande affaire du moyen-âge fut la guerre sainte, la croisade ; l’idéal de la croisade semblait réalisé dans l’ordre du Temple. C’était la croisade devenue fixe et permanente, la noble représentation de cette croisade spirituelle, de cette guerre mystique que le chrétien soutient jusqu’à la mort contre l’ennemi intérieur.

Associés aux hospitaliers dans la défense des saints lieux, ils en différaient en ce que la guerre était plus particulièrement le but de leur institution. Les uns et les autres rendaient les plus grands services. Quel bonheur n’était-ce pas pour le pélerin qui voyageait sur la route poudreuse de Jaffa à Jérusalem, et qui croyait à tout moment voir fondre sur lui les brigands arabes, de rencontrer un chevalier, de reconnaître la secourable croix rouge sur le manteau blanc de l’ordre du Temple ! En bataille, les deux ordres fournissaient alternativement l’avant-garde et l’arrière-garde. On mettait au milieu les croisés nouveau-venus et peu habitués aux guerres d’Asie. Les chevaliers les entouraient, les protégeaient, dit fièrement un des leurs, comme une mère son enfant. Ces auxiliaires passagers reconnaissaient ordinairement assez mal ce dévouement. Ils servaient moins les chevaliers qu’ils ne les embarrassaient. Orgueilleux et fervens à leur arrivée, bien sûrs qu’un miracle allait se faire exprès pour eux, ils ne manquaient pas de rompre les trêves ; ils entraînaient les chevaliers dans des périls inutiles, se faisaient battre, et partaient, leur laissant le poids de la guerre et les accusant de les avoir mal soutenus. Les templiers formaient l’avant-garde à Mansourah, lorsque ce jeune fou de comte d’Artois s’obstina à la poursuite malgré leur conseil, et se jeta dans la ville ; ils le suivirent par honneur et furent tous tués.

On avait cru avec raison ne pouvoir jamais faire assez pour un ordre si dévoué et si utile. Les priviléges les plus magnifiques leur furent accordés. D’abord ils ne pouvaient être jugés que par le pape ; mais un juge placé si loin et si haut n’était guère réclamé.