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DU GOUVERNEMENT PARLEMENTAIRE.

tion, car quel gouvernement n’a pas ce caractère ? les démocraties de l’antiquité étaient obligées d’aboutir à des transactions, même après avoir traversé la guerre civile ; mais le gouvernement représentatif a cela de particulier, que la transaction y est prévue et stipulée d’avance dans ses détails et avec son dénouement nécessaire. C’est avec cette prévoyance, dernier résultat de la science politique, qu’on échappe aux naufrages irréparables ; c’est cette prévoyance qui a déterminé enfin l’aristocratie anglaise à subir le bill de réforme, et qui persuade à Guillaume IV de laisser le sceau royal à un ministère qu’il n’aime pas.

Nous avons en ce moment, en France, le spectacle d’un étrange scandale. Nous voyons quelques hommes crier au gouvernement et à la nation que seuls ils peuvent les diriger ; ils s’emportent à la seule pensée d’être remplacés au pouvoir par des concurrens plus habiles ; ils mettent, pour ainsi dire, la royauté sous clé, et veulent garder pour eux seuls ses approches et ses influences ; à les entendre, leur parti est le seul possible, est le seul légitime ; ils refusent à leurs adversaires le droit d’exister et de vivre. Si l’administration tombe en d’autres mains que les leurs, tout est perdu ; la France ne saurait être sauvée que par eux. C’est de l’égoïsme poussé jusqu’à la démence, et nous pourrions dire jusqu’au crime, dans le sens constitutionnel et politique ; car, dans un gouvernement qui ne vit que par l’équilibre des partis, se proclamer seul possible et nécessaire, c’est calomnier les hommes, et pervertir la constitution. N’avons-nous pas vu, dans l’hiver de 1830, le duc de Wellington remettre le pouvoir à lord Grey, qu’appelait aux affaires le contre-coup de notre révolution ? Jamais ni whigs ni tories n’ont imaginé de s’excommunier politiquement.

Il est encore une prétention émise par les hommes qui se vantent de pouvoir seuls gouverner le pays, c’est qu’il est impossible de changer de système sans périr, et que l’immobilité est la condition de notre existence politique. C’est nier du même coup la vie sociale et le gouvernement représentatif. La vie sociale comporte des développemens successifs qui la modifient, la transforment, et la fortifient par cette mobilité même. Ces ondulations et ces mouvemens seront surtout plus sensibles à une époque et chez un peuple où les intérêts et les droits, tant anciens que nouveaux, sont en présence, où tous les élémens sociaux sont en travail pour