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DU GOUVERNEMENT PARLEMENTAIRE.

L’opinion peut non-seulement s’étonner que M. Guizot, qui était entré dans la vie politique sous les couleurs d’un whig, soit devenu tory ; mais elle a encore de plus graves reproches à lui adresser. M. Guizot n’est pas même tory avec franchise et dans les voies parlementaires ; il ne veut pas paraître tory devant la chambre, et l’être par la chambre. Placé véritablement au centre droit, il ne veut pas avouer qu’il a pour adversaire le centre gauche ; il veut ne pas succomber avec l’opinion même qu’il porte au fond du cœur : il veut lui survivre et rester au pouvoir, n’importe avec quels collègues. Dans la presse, il s’attachera à garder pour amis le Journal de Paris et le Journal des Débats ; dans les grandes questions, où la justesse du coup d’œil et la verve de volonté sont indispensables à l’homme d’état, il déclarera qu’on peut prendre indifféremment l’un et l’autre parti. L’Espagne, l’Afrique, le rejet de lois annoncées comme nécessaires, perdent pour M. Guizot leur importance devant l’unique intérêt de retenir les apparences du pouvoir.

C’est peut-être la première fois qu’on voit dans les fastes parlementaires un homme politique ne pas vouloir avouer le parti dont il est l’ame et le chef, et prétendre figurer dans les rangs d’un autre parti, qui le repousse. Voilà ce qui n’est ni parlementaire, ni loyal, ni même habile ; car enfin un jour arrive où la dissimulation n’est plus possible, où la duplicité de cette politique laisse l’homme à découvert et désarmé. Qui contesterait à M. Guizot une connaissance profonde de l’histoire des révolutions politiques dans le passé, des vicissitudes sociales ? Mais il semble que cette science historique ait communiqué à son esprit une indécision funeste à la gestion politique. Aux affaires et dans le maniement du présent, M. Guizot a plus d’érudition que de volonté ; il professe ou courtise : il ne gouverne pas. Nous avons vu tour à tour M. Guizot abandonner la question d’Espagne, laisser faire contre son gré l’expédition de Constantine, la désavouer à demi après un dénouement malheureux, garder le silence dans la discussion d’une loi que ses collègues déclaraient nécessaire, vouloir survivre à son rejet, nier la dissolution du cabinet, obligé de la reconnaître, travailler à reconstruire un ministère pour lequel il s’est adressé à toutes les couleurs, à toutes les alliances, repoussé par toutes, et n’aboutissant, après tant de variations et de menées, qu’à se